Centre des intérêts économiques

Le centre des intérêts économiques est un des trois critères du domicile fiscal en droit français.

Centre des intérêts économiques

Le centre des intérêts économiques est un des trois critères du domicile fiscal en droit français.

Centre des intérêts économiques : cadre conceptuel

L’administration peut tenter d’établir que votre domicile fiscal serait en France, en utilisant la notion de centre des intérêts économiques.

Cette notion de centre des intérêts économiques est prévue par l’article 4B du Code général des impôts. 

Il s’agit du 3ème critère alternatif prévu par ce texte, avec celui du foyer et du lieu d’exercice de l’activité professionnelle.

Il suffit donc qu’un seul de ces trois critères soit rempli pour que vous ayez votre domicile fiscal en France, au sens du droit français.

Ces critères de droit interne doivent cependant être distingués de ceux prévus par les conventions fiscales internationales.

Les conventions fiscales internationales trouvent notamment à s’appliquer lorsqu’il existe un conflit de résidences. Tel est le cas si vous avez votre domicile fiscal dans plusieurs Etats au sens du droit interne de chacun d’eux.

Dans cette hypothèse, la convention permet en principe de trancher ce conflit de double résidence fiscale.

Une fois le cadre conceptuel posé, revenons à la question qui nous occupe.

Centre des intérêts économiques : définition et méthode

 

Le texte de l’article 4B est laconique.

Il prévoit que « sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France » les personnes « qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques« .  

 

Centre des intérêt économiques : approche générale

 

L’administration énonce dans sa doctrine :

« Il s’agit du lieu où les contribuables ont effectué leurs principaux investissements, où ils possèdent le siège de leurs affaires, d’où ils administrent leurs biens. Ce peut être également le lieu où les contribuables ont le centre de leurs activités professionnelles ou d’où ils tirent, directement ou indirectement, la majeure partie de leurs revenus. » (BOI-IR-CHAMP-10, § 230)

On raisonne ici, comme souvent en la matière, par un faisceau d’indices, c’est à dire en prenant en compte tous les éléments pertinents, sans que l’un d’entre eux ne soit déterminant à lui seul.

Il faut donc raisonner au cas par cas.

L’étude de la jurisprudence permet cependant de dégager une tendance globale.

Il en résulte que la localisation du centre des intérêts économiques dépend d’abord de la source de vos revenus.

 

Centre des intérêts économiques : l’importance de la localisation des revenus

Dans un important arrêt Caporal rendu en 2010, le Conseil d’Etat a jugé que le centre des intérêts économiques d’un contribuable ne peut être établi par la seule constatation qu’un patrimoine est situé en France, car il faut encore que ce patrimoine soit productif de revenus.

En cas de pluralité d’activités ou de sources de revenus, le Conseil d’Etat a tendance à considérer que le centre des intérêts économiques du contribuable se situe à l’endroit duquel celui-ci tire la majorité de ses revenus, et non pas au lieu où il a effectué ses principaux investissements. 

Dans l’affaire Caporal, le rapporteur public (sorte de conseiller technique de la juridiction) a eu l’occasion de préciser le raisonnement appliqué :

« Ce qui doit être comparé, c’est le niveau des revenus tirés par le contribuable dans chaque pays, qu’il s’agisse des revenus de son travail ou de sa propriété ».

Cette priorité du critère des revenus sur celui du patrimoine sera illustrée plus bas quand nous présenterons quelques exemples de jurisprudences.

L’éminent Bruno Gouthière, référence de la fiscalité internationale, évoque dans son manuel une hypothèse exceptionnelle dans laquelle il pourrait cependant être pertinent de comparer les patrimoines et non les revenus :

A notre avis, cependant, lorsque le contribuable ne perçoit aucun revenu, ni en France ni à l’étranger, il serait légitime de comparer les patrimoines situés en France et hors de France. 

La détermination du centre des intérêts économiques nécessite donc une comparaison entre votre situation  en France et votre situation à l’étranger.

Cela peut s’avérer fastidieux pour l’administration car il peut être difficile de connaître et quantifier l’ensemble des revenus du contribuable. 

Précisons que la comparaison doit être basée sur l’année d’imposition dont il est question. Il n’est pas possible de se référer à une situation constatée antérieurement pour caractériser ou non le centre des intérêts économiques du contribuable. Nous y reviendrons plus bas avec une illustration jurisprudentielle concernant la perception de revenus exceptionnels.

 

 

Centre des intérêts économiques et notion voisine : le centre des intérêts vitaux

 

Cette notion de centre des intérêts économiques ne doit pas être confondue avec celle de centre des intérêts vitaux.

Le centre des intérêts vitaux fait en général partie des critères de détermination de la résidence fiscale prévus par les conventions fiscales internationales.

Il peut s’appliquer en cas de conflit de résidences, c’est à dire lorsque l’étude des droits internes de deux Etats aboutit à la conclusion que vous avez votre domicile fiscal dans les deux Etats.

Les conventions prévoient alors une liste de critères hiérarchiques et subsidiaires, à analyser successivement. Les critères sont étudiés au regard de la situation du contribuable dans les deux Etats. Si le premier critère est rempli dans les deux Etats, on passe alors au critère suivant et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’un critère ne soit rempli que dans un seul Etat.

Le centre des intérêts vitaux est déterminé en examinant un faisceau d’indices qui recouvre notamment les relations sociales et familiales, les occupations de tous ordres, les activités politiques, culturelles ou économiques, le lieu d’où vous administrez vos affaires.

Pour plus de précisions, je vous invite à lire mon article à ce sujet

 

Centre des intérêts économiques : illustrations jurisprudentielles

 

Nous citerons d’abord quelques jurisprudences favorables, où l’administration a vu sa position retoquée par les juges.

 

Centre des intérêts économiques : illustration de la méthode par un exemple

Le premier arrêt évoqué est particulièrement important en ce qu’il rappelle la méthode adoptée par les juges pour déterminer l’existence ou non d’un centre des intérêts économiques en France.

Il s’agissait de contribuables domiciliés en Belgique, mais dont l’administration avait soutenu qu’ils avaient le centre de leurs intérêts économiques en France au motif qu’ils possédaient en France des sociétés et des biens immobiliers.

L’administration n’avait pas cherché à savoir si ce patrimoine était productif de revenus, alors que les contribuables avaient eux-mêmes démontré que la majorité de leurs revenus provenait de leurs activités professionnelles en Belgique. A l’inverse, leurs revenus français étaient exceptionnels et de moindre importance.

Le Conseil d’Etat est venu donner tort à l’administration en réaffirmant le principe de prévalence du critère des revenus. Les juges ont considéré que l’existence d’un patrimoine conséquent en France ne pouvait pas établir l’existence d’un centre des intérêts économiques en France, puisque la majorité des revenus des contribuables provenait de Belgique (CE 7 octobre 2020, n°426124).

 

Centre des intérêts économiques : autres exemples favorables issus de la jurisprudence

 

  • N’avait pas de centre de ses intérêts économiques en France un contribuable de nationalité suédoise qui tirait la totalité de ses revenus de l’exercice de sa profession de marin sur des navires n’ayant pas leur port d’attache en France. Ces revenus étaient en effet supérieurs à ceux procurés au ménage par l’exercice en France de l’activité de son épouse (CE 6 juin 1984, n°17369).

  • Un étranger vivant en France, mais qui n’y avait pas le siège de ses intérêts et de ses affaires et tirait tous ses revenus de propriétés situées à l’étranger, n’avait pas en France le centre de ses intérêts économiques (CE 25 juillet 1936, n° 51977).

  • Un étranger qui gère un portefeuille de valeurs mobilières étrangères déposé à l’étranger a été considéré comme n’ayant pas en France son centre des intérêts économiques.  Cela a été jugé malgré le fait que le contribuable avait transféré certains capitaux en France pris une participation dans une société française, les revenus correspondants étant très inférieurs à ceux dont il avait la jouissance à l’étranger (CE 17 janvier 1962, n° 49931).

  • Un contribuable, qui dispose en France d’un patrimoine immobilier, composé de plusieurs immeubles, détient des participations dans diverses sociétés et a perçu divers revenus en France, n’a pas le centre de ses intérêts économiques en France au sens de l’article 4 B du CGI, dès lors qu’il dispose dans un pays étranger d‘importants revenus tirés de son activité professionnelle, sans commune mesure avec les revenus obtenus en France à raison de ce patrimoine ou de ses autres activités (CE 17 mars 2010, n° 299770).

  • Un contribuable a pu être considéré comme n’ayant pas en France le centre de ses intérêts économiques en raison d‘une activité non commerciale de concession de brevets réalisée en Suisse. Cela a été possible malgré le fait que les redevances relatives aux concessions de brevets avaient été versées par l’établissement stable français d’une société étrangère, et que ces brevets avaient été déposés en France (CAA Paris 14 avril 2016, n°14PA05332).

 

Centre des intérêts économiques : exemples de jurisprudences défavorables 

 

Citons également des jurisprudences défavorables au contribuable,  qui doivent inciter à la prudence. 

  • Le Conseil d’Etat a admis l’existence d’un centre des intérêts économiques en France d’un couple malgré l’inscription de l’époux au registre du commerce et des sociétés en Algérie en tant qu’associé de huit sociétés et propriétaire d’une exploitation agricole, les époux ayant des revenus de source française supérieurs aux revenus de source étrangère (CE 26 février 2016 n° 390213).

  • Centre des intérêts économiques en France d’un retraité vivant à l’étranger de sa pension de retraite perçue en France, alors même qu’il n’avait en France ni son foyer, ni le lieu de son séjour principal, et qu’il n’exerçait pas en France d’activité professionnelle (CE 17 juin 2015, n° 371412).

  • Un ressortissant français, résidant à Monaco, a été considéré comme ayant son centre des intérêts économiques en France l’année de la réalisation d’une importante plus-value de cession de titres d’une société française. Ces revenus exceptionnels, largement supérieurs aux revenus de source monégasque, ont permis d’établir le domicile fiscal du contribuable en France pour une année, peu important que les revenus aient été majoritairement d’origine monégasque les années antérieures et postérieures (CE 5 mars 2018, n°400329 et 401716).

Centre des intérêts économiques : utilisations pratiques

 

En cas de redressement fiscal fondé sur le centre des intérêts économiques, votre défense reposera sur au moins trois idées :

  • La première consistera a contester directement le fait que vous ayez en France le centre de vos intérêts économiques. Pour cela, il sera nécessaire d’évaluer vos sources de revenus dans chacun des pays en cause.
  • La deuxième consistera a contester votre domicile en France sur le fondement de la convention fiscale applicable. Vous pouvez retrouver les conventions fiscales internationales sur le site de l’administration.
  • Le troisième type de contestation visera à demander l’application éventuelle de régimes fiscaux favorables, malgré la localisation de votre domicile fiscal en France.

Attardons nous quelques instants sur ce troisième axe de défense :

Citons à titre d’exemple le régime des impatriés, qui permet aux personnes physiques nouvellement domiciliées fiscalement en France de bénéficier d’une fiscalité avantageuse en matière d’impôt sur le revenu, mais aussi d’IFI et de cotisations sociales.

Je vous invite à consulter mon article consacré à ce sujet.

Il existe également l’éventualité de l’application de l’article 81 A du CGI. Ce texte s’applique aux personnes ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4B du CGI, qui exercent une activité salariée et sont envoyées par leur employeur dans un Etat autre que la France et que celui du lieu d’établissement de cet employeur.

Elles peuvent alors bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu à raison des salaires perçus dans le cadre de cette activité exercée dans l’Etat où elles sont envoyées. Cependant, cet article ne permet une exonération totale d’impôt que pour certaines activités spécifiques :

  • Chantiers de construction ou de montage, installation d’ensembles industriels, leur mise en route, leur exploitation et l’ingénierie y afférente ;
  • Recherche ou extraction de ressources naturelles ;
  • Navigation à bord de navires armés au commerce et immatriculés au registre international français (RIF),
  • Activités de prospection commerciale.

Une exonération partielle est également prévue par l’article 81 A du CGI en dehors de ces secteurs d’activité, pour votre travail réalisé à l’étranger.

 

Il conviendra également de s’intéresser, le cas échéant, aux régimes propres aux diplomates ou aux travailleurs transfrontaliers. 

 

 

 

 

 Centre des intérêts économiques : conclusion

La notion de centre des intérêts économiques est une arme redoutable entre les mains de l’administration.

Elle n’hésite pas à en faire usage, parfois à mauvais escient. Elle peut également avoir tendance à engager des redressements sans avoir toutes les informations sur vos revenus et votre patrimoine à l’étranger.

Il lui arrive également de s’arrêter à la moitié du raisonnement, sans étudier la convention fiscale internationale applicable ou les possibles exonérations propres au droit interne français.

Il est alors nécessaire d’étudier le dossier en profondeur, pour évaluer au plus vite s’il existe ou non des moyens de contestation.

Dans tous les cas, il conviendra d’être prudent, et de ne pas donner trop vite à l’administration fiscale des informations ou documents qu’elle pourrait ensuite retourner contre vous.

Pour présenter mon approche, j’ai rédigé un article intitulé : comment contester un redressement fiscal ?

 

 

Vous avez besoin d’un conseil fiscal ?

Je suis à votre écoute pour peser l’ensemble des enjeux et vous apporter la réponse la plus appropriée.

Contactez-moi juste ici, et faisons valoir vos droits.


Etienne de Larminat

Avocat fiscaliste – barreau de Nantes

44 Rue de Gigant 44000 Nantes
e.delarminat@ewen-avocats.fr
06 74 12 09 81

Restons connectés