L’administration fiscale applique parfois à tort les majorations de 80% pour activité occulte. Je vous présente ici un axe de défense possible.
Votre entreprise a une dimension internationale et vous avez déposé l’ensemble de vos déclarations fiscales dans un pays étranger. Que faire si l’administration française considère que vous avez un établissement stable en France et vous applique des majorations de 80% pour activité occulte ?
Dans un précédent article, j’ai décrit les stratégies de défense à envisager dans l’hypothèse de l’application de majorations de 80% pour manœuvres frauduleuses.
Mais l’arsenal répressif de l’administration est malheureusement plus vaste.
L’article 1728 du Code général des impôts (CGI) prévoit en effet l’application d’une majoration de 80% en cas de découverte d’une activité occulte en France.
Majorations de 80% de l’article 1728 du CGI : contexte visé
Le contexte visé par le présent article est le suivant.
- Votre entreprise exerce une activité à l’international.
- A ce titre, elle intervient tant en France qu’à l’étranger.
- Se pose alors la question de la localisation des bénéfices : sont-ils réalisés en France ou à l’étranger ?
En pratique, la réponse dépend en large part de la présence en France de ce que l’on appelle un « établissement stable ».
Pour résumer, un tel établissement stable existe lorsque vous disposez en France d’une installation fixe, ou que votre entreprise y est représentée par une personne ayant le pouvoir de l’engager contractuellement. Il s’agit d’une notion de fait qui génère de nombreux contentieux.
Il s’agit d’une problématique classique en droit fiscal international.
A tort ou à raison, vous avez considéré que le bénéfice était rattachable à un territoire autre que la France.
L’administration fiscale française remet en cause votre analyse, et vous impose au titre du bénéfice qu’elle considère comme étant rattachable à la France.
Mais elle ne s’arrête pas là.
Elle vous applique également des majorations de 80%, qu’elle justifie par le fait que vous exercez en France une « activité occulte ».
Établissement stable en France : quelle stratégie de défense
Il existe plusieurs stratégies possibles dans cette typologie de dossiers.
Mais les deux axes de défenses suivants devront nécessairement être envisagés :
La contestation de l’existence d’un établissement stable (1ère stratégie)
Lorsque les chances de succès existent, cette stratégie doit évidemment être suivie en priorité.
Elle s’appuie à la fois sur la situation de fait et la convention fiscale internationale conclue entre la France et l’Etat où vous avez déposé vos déclarations.
Si elle aboutit, cette stratégie permettra la remise en cause de la totalité des redressements : impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, TVA, majorations, revenus réputés distribués.
La contestation de la majoration de 80% pour activité occulte (2ème stratégie).
Cette seconde stratégie peut bien sûr être menée de front avec la première.
Majoration de 80% de l’article 1728 du Code général des impôts: une jurisprudence mesurée.
Cette stratégie consiste à contester les majorations de 80%, en invoquant la jurisprudence mesurée existant en la matière.
Elle considère en effet qu’il y a lieu de tenir compte de la bonne foi du contribuable.
Il a été plusieurs fois jugé que le terme « occulte » visé par la loi renvoie à une intention de dissimuler.
Comme en matière de majoration pour manquement délibéré, le juge revient à un critère intentionnel.
Néanmoins, l’intention doit ici être matérialisée par des éléments concrets.
Majoration de 80% pour activité occulte: la preuve de la bonne foi
Ainsi, la jurisprudence du Conseil d’Etat prévoit notamment (Conseil d’État, 3ème / 8ème / 9ème / 10ème SSR, 07/12/2015, 368227) :
- Que l’absence de déclaration de son activité en France par le contribuable conduit à une présomption de mauvaise foi.
- Mais que cette présomption peut être renversée.
Pour opérer un tel renversement de présomption, il sera tenu compte :
- Des impositions effectivement payées dans l’autre Etat.
- Des échanges d’informations prévues entre la France et cet autre Etat.
En conséquence, plus l’imposition payée dans l’autre Etat est importante, plus les chances de faire tomber les majorations le sont également.
Le second critère est en principe plus prévisible: il convient d’examiner les conventions fiscales applicables, y compris les conventions multilatérales.
Je le répète, ces deux stratégies de défense peuvent être engagées en même temps. Il est tout à fait possible de contester l’existence d’un établissement stable en France à titre principal, et l’application des majorations à titre subsidiaire.
Majorations de 80% pour activité occulte : situations autres
La majoration de 80% de l’article 1728 du Code général des impôts ne s’applique pas uniquement dans les situations à dimension internationale.
En effet, elle est due automatiquement lorsque les deux conditions cumulatives suivantes sont remplies :
- Vous n’avez pas déposé vos déclarations fiscales dans les délais légaux.
- Vous n’avez pas déclaré votre activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce
L’enjeu ne concerne pas seulement la majoration de 80%, mais également le délai de reprise, qui peut alors être étendu à dix ans.
Cette extension du délai de reprise est prévue par l’article L.169 du Livre des procédures fiscales.
Dans toutes ces situations, des stratégies de défense existent également.
Elles pourrons porter notamment sur :
- La contestation de l’extension du délai de reprise et de l’application des majorations de 80%.
- Le contentieux du recouvrement de la dette fiscale par l’administration.
- La remise en cause de l’assiette de l’imposition.
- La recherche de vices de procédure.
- Etc.
Merci pour cet article très intéressant ! Dans ce type de défense, il peut être nécessaire de traduire des documents fiscaux étrangers. En tant que traducteur juridique et financier, je peux témoigner que ce travail est très complexe. Produire une traduction fiscale de qualité demande énormément de rigueur. En effet, chaque système d’imposition est différent et trouver des équivalents d’un pays à l’autre est souvent un vrai défi… Mais c’est justement ces prises de tête intellectuelles qui me font aimer mon métier !