Les raisons d’être réticent à demander un rescrit fiscal ne manquent pas : long délai de réponse, risque de position défavorable, voies de recours limitées… ces arguments ont évidemment du poids. Pourtant, il est des circonstances où la demande de rescrit constitue la moins mauvaise des solutions.
Le rescrit fiscal permet d’obtenir la position de l’administration fiscale sur un point déterminé. L’administration est liée par sa réponse.
Autrement dit, l’administration ne pourra ensuite vous redresser en invoquant une position autre que celle énoncée dans son rescrit.
Après avoir décrit cette procédure et les éventuelles voies de recours, on évoquera les conséquences liées à un rescrit fiscal défavorable.
Le rescrit fiscal, qu’est-ce que c’est ?
La complexité de la loi fiscale et la variété des situations juridiques mènent parfois à des incertitudes.
Le rescrit fiscal est une réponse de l’administration à une question de droit posée par un contribuable.
Dans bien des situations, vous aurez intérêt à utiliser cet outil.
Rescrit général, rescrit interprétation & rescrit spécial
On peut distinguer trois grands types de rescrits :
- Le rescrit général, prévu par l’article L 80 B du Livre des procédures fiscales (LPF) a pour objet de vous permettre de demander à l’administration comment appliquer un texte fiscal à votre situation.
- Le rescrit interprétation codifié à l’article L 80 A du LPF ne concerne pas une situation de fait, mais une demande d’interprétation de la loi fiscale, sans faire référence à aucune situation particulière.
- Les rescrits spéciaux concernent certaines questions suffisamment originales pour que le législateur ait souhaité prévoir un régime à part. Nous y reviendrons plus bas.
Le rescrit fiscal : un outil au service de la sécurité juridique
La réponse apportée par l’administration à votre rescrit a pour effet de lier l’administration fiscale.
Dès lors que votre situation fiscale est identique à celle décrite dans votre demande, l’administration ne pourra pas revenir sur sa position initiale.
Le rescrit vous assure donc une véritable sécurité face aux changements de position de l’administration fiscale.
Lorsqu’un rescrit est publié, il devient alors opposable à l’administration par toute personne se trouvant dans une situation identique.
Pour le dire autrement, vous pouvez vous prévaloir de tout rescrit publié par l’administration fiscale portant sur une situation identique à la vôtre.
Le rescrit fiscal, conditions communes
Pour que vous puissiez profiter de la sécurité apportée par le rescrit fiscal, un certain formalisme est à respecter :
- Votre demande doit être écrite, précise et complète,
- Vous devez effectuer la demande de bonne foi. Vous devez donc faire part à l’administration de tous les éléments connus dont vous disposez ;
- Votre demande doit être effectuée avant la date de déclaration de l’impôt sur lequel porte le rescrit. Autrement dit, la demande doit être antérieure à l’opération ou la déclaration.
Dès lors que ces conditions sont respectées et que votre situation est identique à celle décrite dans le rescrit alors la réponse de l’administration est opposable.
Le rescrit général
Vous pouvez déposer un rescrit général pour l’interprétation de n’importe quel texte fiscal.
L’administration doit alors se prononcer dans un délai de trois mois.
Néanmoins, aucune sanction n’est prévue si l’administration ne respecte pas ce délai.
C’est pourquoi – sauf cas particulier – je vous déconseille de déposer un rescrit lorsque la situation est urgente et qu’il vous faut absolument une réponse certaine pour engager une opération.
Les rescrits spéciaux
Attention, le texte en cause dont vous recherchez la juste interprétation peut relever d’un rescrit spécial.
Ces rescrits sont listés aux articles L 80 B 2° à 8° du LPF, L 80 C du LPF et L 64 B LPF.
Ces textes visent notamment:
- Le rescrit entreprise nouvelle, jeune entreprise innovante et jeune entreprise universitaire
- Le rescrit pour s’assurer de l’implantation dans les zones fiscales spéciales (zone franche urbaine ou zone de revitalisation rurale) ;
- Le rescrit Crédit Impôt Recherche (CIR)
- Le rescrit établissement stable
- Le rescrit définition catégorielle de certains revenus professionnels, si vous hésitez sur la catégorisation de vos revenus
- Le rescrit mécénat pour s’assurer que votre association dispose bien du statut d’intérêt général ouvrant droit à une réduction d’impôt de 66% des dons pour les donateurs
- Le rescrit valeur en cas de cession de votre entreprise
- Le rescrit abus de droit
- Le rescrit prix de transfert afin de s’assurer que les prix d’échange réalisés entre les différentes entités de votre groupe sont justifiés
Absence de réponse de l’administration, quelle conséquence ?
Bien que l’administration fiscale soit en principe obligée de répondre à votre demande de rescrit général, la loi ne prévoit aucune conséquence en cas de défaut de réponse.
Ainsi le silence concernant le rescrit général ne vaut pas acceptation.
En revanche, pour certains rescrits spéciaux, le silence de l’administration, c’est-à-dire l’absence de réponse, peut valoir approbation.
Le silence de l’administration a alors la même valeur qu’un accord express.
Tel est notamment le cas pour:
- Le rescrit crédit impôt recherche
- Le rescrit abus de droit.
Rescrit fiscal défavorable: quelles voies de recours?
Il existe des voies de recours si la réponse donnée par l’administration fiscale à votre question ne vous satisfait pas.
Deux voies doivent être envisagées:
- La procédure de réexamen
- Le recours pour excès de pouvoir
Mais ces deux modes de contestation ne sont pas systématiquement ouverts.
Néanmoins, comme nous le verrons ensuite, même si vous n’engagez aucune voie de recours, vous n’êtes pas tenu de vous soumettre à la position de l’administration.
La procédure de réexamen
La procédure de réexamen est prévue par l’article L 80 CB du LPF.
Le rescrit général, la majorité des rescrits spéciaux et le rescrit valeur peuvent faire l’objet de ce recours.
La demande de réexamen doit être formulée dans les deux mois suivant la réponse de l’administration.
Les conditions de forme à remplir sont les mêmes que celles du premier rescrit.
La nouvelle décision sera alors prise par une assemblée collégiale.
L’administration sera tenue de répondre dans les mêmes délais que pour la demande initiale.
Le recours pour excès de pouvoir
Le recours dit « pour excès de pouvoir » est formé devant le tribunal administratif.
Il peut donc permettre la remise en cause par un juge de la position de l’administration fiscale.
Néanmoins, comme le rappelle le Conseil d’Etat dans un important arrêt « Société Export Press » du 2 décembre 2016, un tel recours n’est possible que si la réponse de l’administration induit pour vous des effets notables autres que fiscaux.
Tel pourrait par exemple être le cas si la position de l’administration est de nature à remettre en cause une opération importante pour vous ou votre entreprise.
Rescrit fiscal défavorable: faut-il se soumettre?
Supposons que vous ayez fait une demande de rescrit.
L’administration vous a fait une réponse défavorable.
Comme évoqué plus haut, des voix de recours vous sont le plus souvent ouvertes.
Mais vous n’êtes pas tenu de suivre la position de l’administration en attendant l’issue du réexamen ou de la procédure devant le juge.
Le rescrit fiscal: un outil propre aux questions controversées.
Beaucoup de mes clients sont réticents à engager une procédure de rescrit car ils craignent une réponse défavorable à leurs intérêts.
De fait, un tel risque existe souvent.
Il tient en effet à la nature du rescrit de porter sur un problème de droit controversé.
Si la réponse était évidente, il n’y aurait nul besoin de recourir à une telle procédure.
L’intérêt principal du rescrit apparaît alors avec évidence: sortir de l’incertitude quant à la position de l’administration.
Mais il ne s’agit « que » de la position de l’administration.
Vous n’êtes pas tenu de vous y soumettre.
Rescrit fiscal défavorable et risque de majorations
Si la position de l’administration fiscale vous est défavorable, vous pouvez choisir de ne pas vous y plier.
Ce choix doit toutefois être précédé d’une double analyse des risques:
- Risque que le juge de l’impôt confirme la position de l’administration.
- Risque de majorations de 40% pour manquement délibéré.
Le risque de confirmation de la position de l’administration par le juge fiscal doit être apprécié au cas par cas.
Le risque de majorations pour manquements délibérés existe. Il serait absurde de le nier. Cependant, il ne doit pas être surestimé.
En effet, on a vu que le propre du rescrit est de porter sur une question complexe.
Or, l’application de telles majorations implique une volonté délibérée d’éluder l’impôt.
Cet élément intentionnel sera d’autant plus difficile à caractériser que la question en cause est complexe.
Il a d’ailleurs été jugé par la Cour administrative d’appel de Nantes qu’un désaccord de principe avec l’administration ne constitue pas un manquement délibéré, et ce même si le juge confirme l’administration fiscale dans sa position.
Pour en savoir plus sur les majorations de 40% pour manquement délibéré, vous pouvez lire mon article sur la question.
Conclusion: faut-il faire une demande de rescrit fiscal?
La réponse dépend bien sûr de chaque situation particulière.
La question doit néanmoins se poser lorsque les conditions suivantes sont remplies:
- Vous êtes face à une situation fiscale complexe
- Vous voulez absolument éviter tout risque de redressement.
auriez vous la référence l’arrêt CAA NANTES cité à la fin ?