Le présent article a été écrit avec la collaboration active de l’excellent Amaury DEMARTA, Dirigeant de Millenium Gestion Privée.
SYNTHÈSE:
Le Conseil d’État a rendu cette année un important avis sur la fiscalité des résidents établis en France et détenant un bien immobilier au Royaume-Uni (CE, avis, 12 février 2020, n°435907).
Les personnes fiscalement domiciliées en France qui perçoivent des revenus locatifs d’un immeuble situé au Royaume-Uni, ont en principe droit, en France, au crédit d’impôt prévu par la Convention fiscale internationale entre ces deux pays.
Ils ont droit à ce crédit d’impôt pour peu que ce revenu soit compris dans les bases d’imposition britannique, même s’il ne donne pas lieu à une imposition effective.
Ce crédit d’impôt porte non seulement sur l’impôt sur le revenu, mais également sur les prélèvement sociaux.
La position du Conseil d’État est donc favorable aux contribuables.
Cette décision a une portée plus large en ce que les principes qui s’en dégagent sont susceptibles de s’appliquer dès lors que la convention fiscale internationale applicable prévoit un crédit d’impôt égal à l’impôt français.
Le Conseil d’État a rendu un avis le 12 février 2020 susceptible d’intéresser les personnes domiciliées en France qui disposent d’un bien immobilier mis en location au Royaume-Uni (CE, avis, 12 février 2020, n°435907).
Il s’agira en général de personnes originaires d’Angleterre, qui résident fiscalement en France, mais qui disposent encore d’un bien immobilier outre-Manche.
L’arrêt peut également viser des résident français ayant tout simplement investi dans l’immobilier au Royaume-Uni.
La situation était la suivante.
Des résidents français propriétaires d’un immeuble locatif situé au Royaume-Uni
Deux personnes domiciliées fiscalement en France, possédaient un bien immobilier mis en location au Royaume-Uni.
A ce titre, elles percevaient des revenus locatifs.
Or, ces revenus, bien qu’ils soient en principe imposables au Royaume-Uni, n’avaient en réalité supporté aucun impôt sur place. En effet, le montant des revenus locatifs perçus étaient inférieurs au seuil de recouvrement prévu dans ce pays. Relevons au passage que la situation pourrait s’appliquer toutes les fois que le Royaume-Uni choisirait de ne pas effectivement imposer des sommes entrant en principe dans la base taxable dans ce pays. La portée de l’arrêt ne se limite donc pas aux « petits revenus ».
Se posait alors la question du traitement de ces revenus vis-à-vis du droit fiscal français.
Dans cette hypothèse, la convention fiscale internationale applicable prévoit l’application de ce qu’i est communément appelé dans les ouvrages spécialisé un « faux crédit d’impôt », ou encore « crédit d’impôt égal à l’impôt français ».
De quoi s’agit-il exactement ?
Le crédit d’impôt égal à l’impôt français : présentation générale
Dans ces conclusions relatives à l’arrêt en cause, le rapporteur public, Monsieur Nicolazo de Barmon en donne un aperçu pédagogique :
« Cette technique permet de prendre en compte, pour asseoir l’impôt français, la capacité contributive globale du contribuable, en l’appréciant au vu de l’ensemble de ses revenus bruts, qu’ils soient de source française ou étrangère. C’est à ce revenu global qu’est appliqué le barème d’imposition, ce qui donne, le cas échéant, son plein effet à la progressivité de l’impôt. La part de l’impôt français correspondant au revenu étranger est ensuite neutralisée par l’application d’un crédit d’impôt équivalent ».
Cela signifie, en ce qui concerne la situation évoquée plus haut que :
On calcule d’abord l’impôt français en prenant en compte les revenus immobiliers réalisés au Royaume-Uni.
Dans un deuxième temps, il est appliqué en France un Crédit d’impôt égal à la quote-part de l’impôt français correspondant aux revenus immobiliers britanniques.
L’idée est alors de réserver au Royaume-Uni la faculté d’imposer ces sommes, tout en permettant à la France d’en tenir compte pour déterminer le taux d’imposition des autres revenus du contribuable.
Deux questions se posaient alors, auxquelles le Conseil d’État répond de façon à la fois respectueuse de la convention et favorable aux contribuables :
Le crédit d’impôt peut-il s’appliquer alors même que les revenus fonciers n’ont pas été effectivement imposés au Royaume-Uni ?
La réponse est ici affirmative.
Outre la formulation claire de la convention, elle repose sur le fait que le crédit d’impôt n’est pas d’abord un mécanisme d’élimination des doubles impositions.
Il s’agit en réalité, comme le rappelle un auteur « d’une méthode d’exonération mais sous une autre forme » (Bruno Gouthière, Les impôts dans les affaires internationales, n°83790).
Cette position, qui semble maintenant fermement établie, devrait s’appliquer dans toutes les situations ou la convention applicable prévoit un « faux crédit d’impôt ». Elle ne se limite donc pas à l’application de la convention fiscale franco-britannique.
Le crédit d’impôt vise-t-il également les prélèvements sociaux comme la CSG et la CRDS ?
Là encore, la réponse est affirmative.
Pour répondre de la sorte, le Conseil d’État s’en tient à la lettre claire de la convention qui ne permet pas « de restreindre le bénéfice du crédit d’impôt égal au montant de l’impôt français aux seuls revenus relevant du barème progressif de l’imposition ».
Cet arrêt devrait presque inévitablement conduire à appliquer une solution comparable en matière de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
Le monde de la la vente à réméré, ou vente avec faculté de rachat, subit des redressements fiscaux en matière de droits d’enregistrement.
L’administration fiscale tente de remettre en cause le régime de faveur de l’article 1115 du Code général des impôts (régime dit des marchands de biens). Cette position est contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation et au bon sens.
L’administration fiscale semble avoir décidé
de s’attaquer aux professionnels de la vente à réméré.
On connaît ses
habitudes lorsqu’elle décide de s’attaquer à un secteur ou à une problématique
déterminée.
Au moins deux
stratégies sont alors possibles :
L’attaque en masse d’une part. L’administration fiscale procède à des redressements sur l’ensemble du secteur. Cette stratégie est souvent adoptée lorsque l’administration est relativement sûre d’elle.
L’attaque ciblée d’autre part. L’administration fiscale s’attaque alors à un nombre limité d’entreprises du secteur. Elle teste ainsi quelques « dossiers pilotes ». Ce n’est que si le juge de l’impôt conforte sa position qu’elle s’attaquera à l’ensemble du secteur. Dans le cas contraire, elle abandonne sa position.
Les professionnels de
la vente à réméré sont aujourd’hui dans la ligne de mire et c’est pour
l’instant la deuxième stratégie qui est adoptée.
Si le lecteur a
connaissance d’autres contentieux, qu’il n’hésite pas à me contacter.
J’apprécierais d’échanger librement sur le sujet.
Je ne traite ici que
des problématiques propres aux droits d’enregistrement, mais je suis également
des contentieux en matière de TVA.
Vente à réméré et régime des marchands de biens : la question de l’article 1115 du CGI
J’exposerai d’abord
le régime de faveur prévu par ce texte. Je présenterai ensuite ce qu’est la
vente à réméré.
Nous aborderons alors
la position de l’administration fiscale.
L’article 1115 du CGI et le régime dit des « marchands de biens »
« Les
acquisitions d’immeubles, de fonds de commerce ainsi que d’actions ou parts de
sociétés immobilières réalisées par des personnes assujetties [à la
TVA] sont exonérées des droits et taxes de mutation quand l’acquéreur
prend l’engagement de revendre dans un délai de cinq ans ».
Autrement dit, lorsqu’un professionnel acquéreur d’un bien immobilier prend
l’engagement de le revendre dans les cinq ans, il est exonéré de droits de
mutation.
Le principe est donc relativement simple.
La vente à réméré, autre nom de la vente avec faculté de rachat
L’article 1659 du
Code civil dispose:
« La faculté de
rachat ou de réméré est un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre
la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement
dont il est parlé à l’article 1673 ».
Ce texte introduit
les dispositions du Code civil relatives à la vente à réméré.
Pour dire les choses
en simplifiant aussi peu que possible, dans une vente à réméré, l’acquéreur s’engage
à restituer le bien si le vendeur en fait la demande.
En contrepartie, le
vendeur initial doit bien sûr restituer le prix, ainsi que diverses sommes.
Cette faculté dite de
« rachat » ou de « réméré », doit être exercée dans un
certain délai, qui ne peut excéder cinq ans.
Vente à réméré : la position de l’administration fiscale
En pratique, les professionnels
de la vente à réméré se placent sous le régime de l’article 1115 du CGI.
Lorsque la personne à
qui ils ont acheté un immeuble exerce sa faculté de rachat, le professionnel de
la vente à réméré considère bien évidemment que l’engagement de revendre dans
les cinq ans a été respecté.
L’exonération de
droits de mutation lors de l’acquisition initiale doit donc être maintenue.
Or, l’administration
remet précisément en cause le maintien de cette exonération.
Elle considère en
effet, que l’exercice de la faculté de rachat ne correspond pas à une revente,
mais à une résolution du contrat initial.
Les développements
qui suivent résument une partie de l’argumentaire à invoquer pour combattre les
prétentions de l’administration fiscale.
Vente à réméré et article 1115 du CGI la position du juge de l’impôt
La jurisprudence
judiciaire en matière d’application de l’article 1115 du Code général des
impôts à la vente à réméré est extrêmement rare.
Il semble d’ailleurs
n’exister qu’une seule décision publiée.
Régime fiscal de la vente à réméré : l’arrêt Péronne (Cass. Com. 2 juin 1992, n°90-18381)
Cette décision émane
de la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. Com. 2 juin 1992,
n°90-18381).
Elle juge, implicitement
mais nécessairement, que l’exercice de son option par le vendeur initial dans
le cadre d’une vente à réméré n’exclut pas l’application de l’exonération de
l’article 1115 susvisé par l’acquéreur initial.
Présentation des
faits : une vente avec faculté de rachat
Dans cette affaire,
la situation initiale était la suivante :
Une société, la société Péronne avait
acquis, le 27 octobre 1981, un immeuble de la société Chanteberger.
Cette dernière société se réservait
dans l’acte une faculté de retrait par réméré (faculté de rachat).
La société Péronne s’est placée sous le
régime de l’article 1115 du Code général des impôts, s’engageant à revendre
l’immeuble dans les 5 ans.
La société Péronne n’a pas tenu cet
engagement.
Mais la société Péronne a alors soutenu
que la vente avait été annulée, par l’exercice, dans le délai légal de 5 ans,
de son droit à réméré par le vendeur.
Arrêt Péronne :
solution du problème
Toute la question
était alors de savoir si, oui ou non, le vendeur initial avait exercé sa
faculté de rachat dans le délai de cinq ans.
En l’espèce, la
société Péronne ne justifiait pas de l’exercice de cette faculté de rachat par
la société Chanteberger.
La Cour de cassation
refuse donc l’application de l’article 1115 du CGI..
A contrario,
il résulte implicitement de cet arrêt que l’exonération aurait été justifiée si
la faculté de rachat avait effectivement été exercée.
Vente à réméré :
les conclusions de l’arrêt Péronne
La nécessité d’une
interprétation a contrario résulte :
D’une part, du fait que la Cour de
cassation a eu besoin de trancher la question de savoir si la faculté de réméré
avait ou non été exercée pour résoudre le litige.
D’autre part, de la formulation de
l’attendu final de la décision. Elle y énonce en effet « qu’il incombait à la société Péronne, qui
faisait état de la perte de sa propriété du fait du retrait, d’en justifier ».
Pour elle, une simple
« perte de la propriété » suffit pour que l’exonération de l’article
1115 du CGI s’applique.
Cette interprétation
s’impose d’autant plus qu’elle est confirmée par la Revue de jurisprudence
fiscale (RJF) dans un commentaire anonyme. Or, ces commentaires anonymes
publiés à la RJF émanent le plus souvent de la juridiction elle-même.
Ce commentaire
énonce :
« Pour
l’application du régime prévu en faveur des marchands de biens, l’exercice du
droit de retrait, intervenant dans le délai de cinq ans, dispense le marchand
de biens du paiement des droits exigibles en cas de défaut de revente dans ce
délai ».
On ne saurait être
plus clair.
Vente à réméré et
droits d’enregistrement : conclusion pratique
L’administration a
certes des arguments à présenter.
Mais ces arguments
sont contraires à la position non équivoque de la Cour de cassation.
Les entreprises concernées ont donc intérêt à se défendre avec énergie, au moins jusqu’à ce que la Cour de cassation se prononce à nouveau.
Ce n’est que dans
l’hypothèse d’un revirement de jurisprudence que l’administration fiscale se
verrait confortée dans sa décision.
A l’inverse, si la Cour
de cassation renouvelle sa position, les sociétés en cause qui auront exercé
l’ensemble des voies de recours pourront faire valoir leurs droits et les
redressements seront abandonnés.
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