Je suis témoin d’une recrudescence des redressements fiscaux liés à la remise en cause de provisions pour dépréciation de fonds de commerce.

Le redressement n’est pas toujours justifié. Il en va souvent de même des majorations de 40% pour manquement délibéré dont il peut être assorti. Voici quelques éléments de défense, étant précisé que la question de la déductibilité de la provision doit bien sûr être examinée au cas par cas.

Cette typologie de redressements vise en premier lieu les pharmacies, mais pas seulement.

L’objet du présent article n’est pas de faire un tour complet de la question, mais de répondre à certaines objections habituelles de l’administration fiscale lorsqu’elle refuse de revenir sur les redressements.

Je parlerai d’abord des études statistiques, avant d’aborder la question de la diminution ou non du chiffre d’affaires.

Dépréciation de fonds de commerce: la question des méthodes statistiques

Dans ce type de dossiers, le comptable a en général effectué un « test de dépréciation« .

Celui-ci est parfois corroboré par des études statistiques concernant l’ensemble du secteur en cause.

Fonds de commerce et méthodes statistiques: position du problème

Pour les pharmacies, il est d’usage de se référer aux études de la société INTERFIMO.

L’administration fiscale refuse en général de tenir compte de ces études.

Elle considère en effet que la dépréciation doit être caractérisée par des éléments propres au fonds de commerce redressé.

Elle a malheureusement raison.

Faut-il pour autant renoncer à produire ces études? Je ne le crois pas.

En effet, dans l’hypothèse d’un éventuel contentieux devant le juge de l’impôt, celui-ci ne pourra pas se fonder expressément sur une telle étude pour motiver sa décision.

Je crois toutefois que celle-ci est susceptible de l’influencer.

Je laisse le lecteur apprécier s’il accepterait de se laisser convaincre par l’argumentaire suivant.

Dépréciation de fonds de commerce et méthode statistiques: essai d’argumentaire

Ce qui concerne les officines de pharmacie en général concerne également chaque pharmacie en particulier.

En témoigne un arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles de 2011 (CAA Versailles, 1ère ch., 8 février 2011, n°09VE01202, SA GENICA)

Il a ceci en commun avec notre sujet d’avoir pour enjeu la déductibilité d’une provision pour dépréciation d’un actif non amortissable — en l’espèce, des terrains — en période de baisse générale de cette classe d’actifs, suite à la crise immobilière.

Dans cette affaire, la juridiction admet l’existence d’une provision pour chacun des terrains en cause en se fondant, non pas sur une étude portant sur chacun des terrains pris isolément, mais sur la simple existence de la crise financière.

« La SA GENICA […] est fondée à soutenir que l’Administration, qui ne conteste pas la réalité de la crise immobilière qui continuait d’affecter [l’année en cause], ne pouvait remettre en cause le principe de la provision litigieuse ».

CAA Versailles, 1ère ch., 8 février 2011, n° 09VE01202, SA GENICA

Ce faisant, la Cour administrative d’appel de Versailles applique la jurisprudence du Conseil d’État selon laquelle le calcul de la provision doit être effectué avec une approximation suffisante, en fonction des données disponibles à la clôture de l’exercice, sans exclure le recours à des évaluations statistiques (CE, 25 septembre 1989, n°62934, FFDM-Pneumat)

Le raisonnement sous-jacent est le suivant : ce qui affecte les immeubles en général affecte les immeubles de la société en particulier.

De même, dans le cas qui nous occupe, ce qui affecte les fonds de commerce de pharmacies en général affecte celui de la pharmacie redressée en particulier.

Dépréciation de fonds de commerce: la question de la baisse du chiffre d’affaires

L’administration fiscale refuse parfois la déductibilité des provisions en invoquant une baisse insuffisante du chiffre d’affaires.

Dépréciation de fonds de commerce: position de l’administration fiscale

Un argument habituel de l’administration dans ce type de dossier consiste à invoquer l’absence de baisse significative du chiffre d’affaires.

Elle invoque alors sa propre doctrine.

En effet, dans la partie relative aux dépréciations de fonds de commerce, les exemples fournis dans lesquelles une dépréciation du fonds est admise ne concernent que des cas où une baisse significative du chiffre d’affaires est constatée.

Dépréciation de fonds & fiscalité: rappel des principes

La position de l’administration fiscale n’est pas justifiée.

La provision est déductible si les conditions comptables de passation d’une telle provision sont remplies.

Je renvoie sur ce point à mon article sur les liens entre comptabilité et fiscalité.

Ainsi, contrairement à ce que pourraient laisser entendre certains vérificateurs, la doctrine administrative ne donne en aucun cas une liste limitative.

De fait, dans une décision du 30 juin 2011, la Cour administrative d’appel de Marseille énonce :

« Les époux X peuvent apporter la preuve de la dépréciation de leur fonds même en l’absence de baisse significative du chiffre d’affaires » (CAA Marseille, 3e, 30-06-2011, n° 09MA00123).

Remise en cause des dépréciations: quelle stratégie fiscale?

Je n’ai cité ici que les arguments favorables aux contribuables.

Le lecteur aura compris que ceux-ci ne sont pas imparables. Leur efficacité dépendra notamment de la solidité du test de dépréciation fourni.

Dans certaines hypothèses, le concours d’un expert assermenté pourra venir soutenir la position du contribuable.

Je ne mentionne pas tous les arguments dont dispose l’administration dans cette hypothèse. De nombreux contentieux sont en cours et je ne souhaite pas lui donner de grain à moudre.

Sur les majorations de 40% pour manquement délibéré, vous pouvez consulter mon article sur la question.