Vous avez acquis des biens ou des services qui auraient dû être soumis au régime de « l’autoliquidation » ? Trompé par la facture de votre partenaire, vous avez fait l’erreur de verser la TVA en plus du prix HT convenu. L’administration fiscale en refuse la déduction. Que faire?

Dans l’affaire « Eye Shelter », le Conseil d’Etat a précisé les conditions de restitution de la TVA qui aurait dû être autoliquidée par l’acquéreur.

Il importe d’abord de bien comprendre le contexte dans lequel cette affaire est intervenue.

Pour ce faire, il est nécessaire de saisir ce qu’implique le régime « d’autoliquidation de la TVA ».

J’aborderai ensuite le problème pratique posé en cas d’erreur et la solution rendue par le Conseil d’Etat.

Celle-ci vous est relativement favorable.

Rappels sur l’autoliquidation de la TVA

L’autoliquidation de la TVA : définition

La manière la plus synthétique de définir l’autoliquidation de la TVA est de dire qu’il s’agit d’une inversion de redevable.

Je m’explique.

En principe, la TVA est versée à l’administration fiscale par l’entité qui vend le bien ou rend la prestation de service.

En raison du principe de neutralité de la TVA, le client récupère alors la TVA versée auprès de l’administration fiscale, que ce soit par voie de restitution, ou par voie d’imputation sur la TVA collectée auprès de ses propres clients.

Les choses sont différentes lorsque la TVA est autoliquidée.

Dans cette hypothèse, le vendeur ou le prestataire adresse une facture hors taxe à son client. Celui-ci lui verse alors le prix correspondant.

C’est alors qu’intervient l’opération d’autoliquidation.

Le client doit alors, sur sa déclaration de TVA, déclarer la TVA correspondant au prix hors taxe facturé par le vendeur ou le prestataire.

Néanmoins, pour assurer la neutralité de la TVA, le client déduit cette même TVA, à hauteur de ses droits à déduction.

La neutralité de la TVA est ainsi assurée.

Ainsi, si la TVA en cause est intégralement déductible, l’opération ne se traduit par aucun flux financier entre le client et le trésor public.

Rappel sur le champ d’application de l’autoliquidation

Outre certains régimes spéciaux, notamment en matière de sous-traitance dans le BTP, l’autoliquidation de la TVA concerne principalement :

  • Le client qui se fait livrer un bien en France initialement situé à l’étranger.
  • Le client qui reçoit une prestation de service par un prestataire situé à l’étranger.

Dans une telle situation, si vous êtes le client, vous devez donc en principe recevoir une facture hors taxe.

Autoliquidation de la TVA : les incidences d’une éventuelle erreur

La situation de fait dans l’affaire Eye Shelter

Mais revenons à l’erreur commise par les contribuables qui a conduit le Conseil d’Etat à prendre position dans l’affaire Eye Shelter.

Dans cette affaire, une entreprise s’était fait livrer des biens depuis l’étranger.

En principe, la TVA correspondante aurait donc dû être autoliquidée.

Or, le fournisseur avait commis l’erreur de lui adresser une facture TTC, que l’entreprise cliente avait réglée en intégralité.

Conséquences pour le contribuable

En l’espèce, l’entreprise cliente, la société Eye Shelter, s’est retrouvée dans une situation délicate :

Situation particulièrement injuste, l’entreprise supportait donc deux fois le coût de la TVA.

Conséquences pour l’administration fiscales

En revanche, pour l’administration fiscale, la solution était parfaitement neutre dans la mesure où le vendeur lui avait bien reversé la TVA acquittée par le vendeur.

L’absence de déductibilité de la TVA versée par l’acquéreur conduisait donc l’administration à recevoir deux fois cette TVA :

  • Une première fois par versement direct.
  • Une deuxième fois en raison du refus de permettre la déduction de la TVA payée par l’acquéreur.

Vous le comprenez, une telle situation s’avérait spécialement inéquitable.

La solution rendue par le Conseil d’Etat dans sa décision Eye Shelter tempère la rigueur de la situation de l’acquéreur (CE, 15 novembre 2019, n°420251).

Facturation à tort de la TVA qui aurait dû être autoliquidée : la position du Conseil d’Etat

Je présenterai la position de l’administration dans cette affaire, avant d’analyser celle du Conseil d’Etat.

Le refus par l’administration de toute restitution de la TVA

L’acquéreur, la société Eye Shelter, demandait à l’administration la restitution de la TVA versée au vendeur.

Comme évoqué plus haut, une telle restitution se justifiait notamment par le fait que son absence conduisait la société à supporter deux fois le poids de cette TVA.

Pour autant, l’administration fiscale, suivie en cela par la Cour administrative d’appel, refusait une telle restitution.

Elle mettait notamment en avant les éléments suivants :

  • Le vendeur n’avait pas émis de factures rectificatives ne mentionnant plus la TVA.
  • L’acquéreur ne s’était pas immatriculé à la TVA en France, alors même qu’il en avait l’obligation en l’espèce.

Restitution de la TVA qui n’a pas été autoliquidée : la position du Conseil d’Etat

Fort heureusement, le Conseil d’Etat donne tort à l’administration.

Il indique que la restitution de la TVA est de droit lorsque les conditions suivantes sont vérifiées :

1. Tout risque de perte indue pour l’administration fiscale a été éliminé.

Cela implique en pratique que votre partenaire ait reversé à l’administration fiscale la TVA qu’il vous a facturé.

2. Vous aviez la faculté d’exiger le remboursement de la taxe indument versé.

Dans l’hypothèse qui nous occupe, cette condition ne devrait pas poser de difficultés particulières.

En effet, en droit français, ce qui a été payé sans être dû doit en principe être remboursé.

3. Vous avez mis en œuvres les procédures applicables auprès de votre partenaire pour obtenir la restitution de la taxe indument versée.

En pratique, vous devrez donc lui adresser des mises en demeure.

Le cas échéant, vous devrez saisir la juridiction compétente.

4. Une telle restitution s’avère impossible, ou excessivement difficile.

Tel devrait notamment être le cas lorsque les poursuites se sont avérées infructueuses où lorsque votre partenaire est en liquidation judiciaire.

Récupération de la TVA versée à tort : les leçons de l’arrêt

Si vous vous trouvez dans une situation comparable, vous devez donc :

  • Réclamer au vendeur ou au prestataire la restitution de la TVA versée à tort.
  • Même si le Conseil d’Etat n’en fait pas une condition nécessaire, demander également que soient émises des factures rectificatives.
  • En cas de refus du vendeur ou du prestataire, engager les procédures nécessaires, y compris judiciaires, en vue de cette restitution.
  • Le cas échéant, en cas d’impossibilité de restitution auprès du partenaire commercial, demander à l’administration de vous restituer la TVA versée.

Une telle restitution ne pourra être acceptée que si votre partenaire a effectivement reversé au trésor la TVA réglée par vos soins.

Je suis à votre disposition pour vous accompagner dans ces démarches.

Vous pouvez retrouver d’autres articles relatifs à la TVA sur mon site, notamment: