Selon la loi fiscale, tout redressement de TVA constitue en principe une charge déductible du résultat de l’entreprise. La pratique désigne cette déduction sous le terme de « cascade simple ». Il en résulte un avantage fiscal que l’administration fiscale compense par un « profit sur le trésor ».

Mais ce « profit sur le trésor » n’est pas toujours justifié. Il convient alors de rappeler l’administration à l’ordre.

Pour le comprendre, il convient d’abord d’exposer le mécanisme dit de la cascade simple.

La cascade simple

Tout redressement de TVA est considéré comme une charge déductible au titre de l’impôt sur les bénéfices – impôt sur les sociétés (IS) ou impôt sur le revenu (IR).

L’article L.77 du Livre des procédures fiscales (LPF) fixe les modalités de cette déduction :

« En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d’affaires et taxes assimilées, de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, le supplément de taxes sur le chiffre d’affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables ».

Le contribuable redressé au titre de la TVA d’une part, et au titre de l’IR ou de l’IS d’autre part, est donc face à un choix :

  • Soit il ne se manifeste pas et la TVA viendra en diminution du bénéfice imposable au titre de l’année redressée ;
  • Soit il en fait la demande et la TVA sera alors déduite du bénéfice imposable au titre de l’année où le redressement intervient.

Ainsi, un redressement TVA intervenu au cours de l’exercice N, relatif à l’exercice N-3, est déduit de l’assiette imposable de N-3, sauf si le contribuable en fait la demande. Dans cette dernière hypothèse, il sera déduit en N.

Le choix adéquat est en pratique déterminé par l’existence ou non d’éventuels déficits au titre de l’année redressée ou de l’année où intervient la rectification. En effet, autant déduire la TVA au titre d’une année où l’entreprise accuse un bénéfice.

Mais là n’est pas le point que je souhaite ici étudier.

Il fallait cependant s’y arrêter pour saisir le cœur du présent article : le profit sur le trésor.

Le profit sur le trésor

L’administration considère que la déduction des redressements TVA de la base imposable à l’IR ou à l’IS place nécessairement le contribuable du point de vue de ces deux impôts, dans une situation plus favorable que s’il n’y avait pas eu de redressements.

Suivie en cela par la jurisprudence, elle contrebalance la déduction par un produit équivalent dit « profit TVA sur IS ».

Comme le relevait Monsieur Olivier Fouquet dans ses conclusions sous l’important arrêt CHARDON de 1990 :

« Admettre que le contribuable qui a fraudé la TVA se trouve, au terme du processus de rappel, avantagé par rapport à celui qui ne l’a pas fraudé, constituerait une incitation à la fraude d’une absurdité totale ».

Pour le dire autrement, la jurisprudence admet que l’administration impose le contribuable sur un produit fictif, qui vient compenser la déduction de la charge constituée par la déduction de la TVA redressée.

Dans la plupart des cas, l’application de cette règle – d’origine purement jurisprudentielle – est difficilement contestable.

Mais l’administration a tendance à appliquer le profit sur le trésor de façon purement mécanique, sans vérifier s’il se justifie véritablement.

En effet, il est des hypothèses où la déduction du redressement TVA ne produit aucun avantage indu.

Il faut donc distinguer au cas par cas.

J’étudierai ici cette difficulté à travers trois exemples.

  • L’omission de recettes ;
  • La remise en cause de la déductibilité de la TVA sur une charge ;
  • La remise en cause de la déductibilité de la TVA sur une immobilisation.

Pour rendre l’exposé plus didactique, j’ai choisi de procéder en m’appuyant sur des exemples chiffrés.

Profit sur le trésor : l’omission de recettes – Exemple 1

Un contribuable assujetti à la TVA omet de déclarer une recette de 4800 €.

Il est redressé.

Le vérificateur calcule la TVA « en dedans », soit 800 € (4800 – 4800/1,2).

Il redresse donc au titre de la TVA pour un montant de 800 €, et au titre de l’IS, en notifiant un supplément de base imposable de 4000 €.

Or, tout redressement de TVA est une charge déductible (article L.77 du LPF).

Il convient donc de déduire les 800 € de TVA de la base imposable à l’IS.

Si on s’en tenait là, le redressement effectif au titre de l’IS n’aurait donc lieu que sur une base de 3200 € (4000 – 800 ).

Or, un contribuable qui n’aurait pas fraudé aurait été imposé sur un profit de 4000 €, et non pas de 3200 €.

Ce type de situation justifie l’application d’un profit TVA sur le trésor de 800 €, qui vient contrebalancer les 800 € de TVA déductible du résultat imposable à l’IS.

Ainsi, dans une telle situation, l’application d’un profit sur le trésor est parfaitement justifiée.

Néanmoins, l’administration fiscale a tendance à appliquer un profit sur le trésor dans tous les cas de redressements de TVA, y compris lorsque ce n’est pas justifié, comme en témoigne notre deuxième exemple.

Profit sur le trésor : la remise en cause de la déductibilité de la TVA sur une charge – Exemple 2

Prenons un autre exemple chiffré :

L’administration rejette la déductibilité de la TVA sur une charge (exemple : billets d’avion dans le cadre de l’activité économique de l’entreprise on sait en effet que la TVA afférente au transport de personne n’est pas déductible).

Montant TTC du billet : 6000 €

Montant HT : 5000 €

TVA : 1000 €.

Or, nous l’avons dit, tout redressement de TVA constitue en principe une charge déductible.

Il est donc déduit 1000 € de la base imposable du contribuable.

Cette déduction est-elle de nature à le favoriser par rapport à un contribuable qui n’aurait pas déduit la TVA en cause ?

La réponse est ici négative.

Lorsque la TVA n’est pas déductible, un contribuable peut déduire le montant TTC de la base imposable à l’IS, soit en l’espèce, 6000 €.

Notre contribuable a initialement déduit 5000 € de sa base imposable à l’IS.

La déduction du redressement TVA vient donc le remettre dans une situation normale.

En l’espèce, il n’y a donc pas de profit TVA sur IS.

Il sera souvent nécessaire de le rappeler à l’administration…

Profit sur le trésor : la remise en cause de la déductibilité de la TVA sur l’acquisition d’une immobilisation – Exemple 3

Prenons un dernier exemple.

Une entreprise acquiert un véhicule de transport de personnes pour un prix HT de 50 000 €, soit 60 000 € TTC.

Elle déduit à tort la TVA correspondante.

Un contrôle intervient.

L’administration procède à un redressement de TVA de 10 000 €.

Il en résulte donc une charge déductible du résultat imposable à l’IS de 10 000 €.

Cette déduction est-elle de nature à le favoriser par rapport à un contribuable qui n’aurait pas déduit la TVA en cause ?

Oui. En effet, si le contribuable avait fait les choses dans les règles, il n’aurait pas pu déduire 10 000 € de charge.

Le véhicule aurait été inscrit en immobilisation pour 60 000 €.

Or, l’entreprise n’a inscrit l’immobilisation que pour 50 000 €. Et, on ne peut pas déduire un amortissement qui n’a pas été inscrit en comptabilité.

L’administration peut donc imposer un profit TVA sur IS de 10 000 € en base imposable.

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