Vous exerciez votre activité à travers une société et vous avez cédé les parts de celle-ci. Le plus souvent, le prix est décomposé en deux parts: une part fixe, imposable l’année de cession des titres, et une part variable, imposable l’année de son versement.

Nous nous plaçons ici dans une hypothèse différente : quel est le régime d’imposition lorsque l’intégralité du prix est stipulée variable?

Avant d’examiner ce cas spécifique, étudierons le régime de droit commun. Il nous éclairera pour la suite.

Régime fiscal des cessions de droits sociaux :
rappel du cas général.

On distingue en général une partie fixe, dont le montant est certain, et une partie variable, déterminée en fonction des résultats futurs de la société. Pour évoquer cette partie variable, on parle en pratique de clause d’earn out.

L’article 150-0 A du Code général des impôts fixe l’année d’imposition de la plus-value à partir de cette distinction.

Il énonce notamment :

« I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux
bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux
bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les
gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par
personne interposée ou par l’intermédiaire d’une fiducie, de valeurs
mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l’article
118 et aux 6° et 7° de l’article 120, de droits portant sur ces
valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits
ou titres, sont soumis à l’impôt sur le revenu.

2. Le complément de prix reçu par le cédant en
exécution de la clause du contrat de cession de valeurs mobilières ou de droits
sociaux par laquelle le cessionnaire s’engage à verser au cédant un complément
de prix exclusivement déterminé en fonction d’une indexation en relation
directe avec l’activité de la société dont les titres sont l’objet du contrat,
est imposable au titre de l’année au cours de laquelle il est reçu.

Le gain retiré de la cession ou de l’apport d’une
créance qui trouve son origine dans une clause contractuelle de complément de
prix visée au premier alinéa est imposé dans les mêmes conditions au titre de
l’année de la cession ou de l’apport ».

 À partir de ce texte, la jurisprudence raisonne selon la distinction suivante :

  • La plus-value correspondant à la partie fixe du prix est imposable immédiatement, au titre de l’année du transfert des titres.

  • La plus-value correspondant à la partie variable (liée à une clause dite d’earn out) est imposable au moment de son versement.

Régime fiscal des cessions de droits sociaux : étude
d’un cas particulier

Revenons maintenant à notre problématique de départ.

Imaginons l’hypothèse suivante, relativement rare, mais déjà rencontrée en pratique :

Les titres ont été cédés moyennant uniquement un prix variable, assorti d’un plafond. Autrement dit, la clause relative au prix constitue en totalité une clause d’earn out. Il est stipulé que le prix sera établi et deviendra exigible dans un certain délai – par exemple deux ou trois ans – en fonction des résultats de la société au cours de la période courant entre la cession des titres et l’expiration du délai fixé.

L’intégralité du prix est variable.

À mon sens, dans cette hypothèse, l’intégralité du prix de cession n’est imposable qu’au moment de son versement.

Clause d’earn out : le raisonnement de la Cour
administrative d’appel de Nantes.

Il me semble ici utile de mentionner un arrêt de la Cour administrative de Nantes (CAA Nantes, 19 janvier 2017, n°15NT02188) ainsi que les conclusions du rapporteur public, Monsieur Thurian JOUNO, établies à l’occasion.

Les circonstances de fait sont différentes mais permettent un raisonnement par analogie.

En l’espèce, un prix plancher était stipulé dans une clause relative à la part variable du prix de cession de droits sociaux.

Le juge a considéré que la part du prix variable inférieure au prix plancher était imposable uniquement au titre de l’année de la cession, et en aucun cas au titre de l’année de versement.

Il a en effet été considéré qu’à hauteur de ce montant, le prix n’était pas réellement variable.

Les conclusions du rapporteur public sont spécialement éclairantes.

Elles énoncent notamment :

« Un point nous semble être limpide : lorsque le complément de prix est « purement variable » c’est-à-dire exclusivement et directement déterminé en fonction de l’activité future de la société, il est imposable l’année de sa perception par le cédant. C’est le texte même du 2 l’article 150-0 A, qui ne souffre aucune interprétation ».

De la même manière, dans notre cas, le prix plafond stipulé ne correspondent pas à un prix fixe convenu.

La plus-value correspondant n’est donc pas imposable au titre de l’année de cession, mais au titre de l’année de perception.

Si l’administration fiscale contestait ce point, il serait utile de soumettre le litige à la juridiction compétente.