L’apport avant donation peut constituer une utilisation fiscalement efficace du démembrement de propriété dans le cadre d’une transmission familiale.
L’apport avant donation est l’opération par laquelle la nue-propriété d’un bien, le plus souvent immeuble, est apportée à une société civile, dont les parts sont ensuite données en pleine propriété. Cet usage du démembrement de propriété ne contrevient pas à la législation sur l’abus de droit.
Vous êtes propriétaire d’un patrimoine immobilier important.
Vous souhaitez le transmettre à vos enfants, tout en en conservant la jouissance ou en continuant à percevoir les revenus locatifs.
Vous souhaitez anticiper au maximum, afin que vos enfants paient le moins possible de droits de succession au moment de votre décès.
L’opération d’apport avant donation peut constituer une solution.
Attention, une telle opération n’est véritablement intéressante que pour les patrimoines immobiliers les plus importants.
En effet, comme on va le voir, l’optimisation consiste à jouer sur la différence entre la valorisation économique (valeur réelle) de la nue propriété et la valorisation dite fiscale de cette même nue propriété.
Elle passe nécessairement par la constitution d’une société civile immobilière (SCI).
Apport avant donation : économie de l’opération
Pour comprendre l’économie générale de l’opération il peut être intéressant de la comparer avec celle, plus courante, de la donation de la nue-propriété d’un immeuble.
Du point de vue des donateurs, la solution est comparable dans ses effets.
Ils conservent l’usufruit de l’immeuble et les revenus en résultant.
Du point de vue des donataires, la solution est proche dans ses effets, sans être absolument identique. Ils se retrouvent propriétaires, non pas de la nue-propriété d’immeubles, mais de la pleine propriété de parts sociales d’une société détenant elle-même la nue-propriété de l’immeuble.
Ces différences civiles peuvent être gérées sans difficulté.
Mais c’est principalement du point de vue fiscal que le choix de l’une ou l’autre solution trouve son intérêt.
Donation de la nue-propriété : examen des solutions envisageables
On examinera ici chacune des deux solutions du point de vue fiscal :
Donation de la seule nue-propriété d’immeubles, sans passer par le vecteur d’une SCI
Pour peu que donataires et donateurs en acceptent les effets civils, cette opération est déjà en soi fiscalement intéressante.
Par hypothèse, on considère que les donataires auraient hérité des immeubles lors du décès des donateurs, si ceux-ci n’avaient pas procédé à une telle donation.
Grâce à la donation de la nue-propriété des immeubles, les donataires bénéficient d’une assiette d’imposition moins élevée que celle qui aurait existé au moment du décès.
En effet, l’assiette des droits d’enregistrement est fonction de l’âge de l’usufruitier, conformément au barème de l’article 669 du Code Général des Impôts (CGI).
Apport de la nue-propriété de l’immeuble suivi de la donation de la pleine propriété des titres
Cette opération permet le plus souvent une diminution encore plus grande de l’assiette des droits d’enregistrement que l’opération précédemment décrite.
En effet, le barème de l’article 669 est structurellement conçu de sorte que, dans la plupart des cas, la nue-propriété est surévaluée par rapport à sa valeur économique réelle.
L’assiette des droits d’enregistrement est donc artificiellement majorée par ce texte.
Une solution consiste donc à d’abord apporter la nue-propriété de l’immeuble à une société civile.
Cet apport n’étant pas soumis au barème susvisé. Il se fait à la valeur économique des titres.
C’est ensuite la pleine propriété des parts sociales qui est donnée.
Cette donation en pleine propriété sort donc également du champ de l’article 669 du CGI.
Le résultat final est in fine un dessaisissement de la nue-propriété de l’immeuble au profit des héritiers, via une société civile.
Or, ce dessaisissement se fait à la valeur économique, et non pas à la valeur fiscale.
Apport avant donation : dans quels cas envisager l’opération ?
Au moins deux facteurs devront être pris en considération :
Le premier facteur à prendre en compte est la valeur de l’immeuble
Il est toujours difficile de donner des chiffres sans connaître les détails de votre situation particulière. Mais retenons qu’à partir d’une pleine propriété de l’immobilier à transmettre de plus de 800 000 €, il est probable que l’opération soit très avantageuse.
Le second facteur est lié à l’âge du donateur.
Plus vous êtes en « début de tranche » (soit un peu après 21, 31, 41, 51, 61, 71, 81 ou 91 ans), plus la valeur fiscale de la nue-propriété sera surévaluée par rapport à sa valeur réelle.
En effet, au fur et à mesure que le terme de votre vie se rapproche, la valeur de la nue-propriété de votre patrimoine s’accroît.
Or, le barème fiscal prévoit une valorisation de la nue-propriété par tranches de dix ans. En début de tranche la nue-propriété est fiscalement valorisée de la même manière que 8 ou 9 ans plus tard.
La survalorisation est donc encore plus forte qu’en « fin de tranche ».
Apport avant donation & risque d’abus de droit
Il est de bon ton de se méfier de toutes les opérations susceptibles de générer un quelconque avantage fiscal.
Le risque d’abus de droit est ainsi souvent invoqué.
Le phénomène est accentué par la nouvelle législation relative à ce que la pratique appelle désormais le « mini abus de droit », codifié à l‘article L.64 A du Livre des procédures fiscales.
Désormais, les opérations contraires à l’intention du législateur et passées dans un but principalement fiscal peuvent être remises en cause par l’administration.
Il ne s’agit pas ici de sous-estimer ce risque, mais de le mesurer objectivement, opération par opération.
Or, en l’espèce, les deux conditions ne sont à mon sens pas remplies.
L’opération n’est pas contraire à l’intention du législateur.
En effet, le barème fiscal de valorisation des droits démembrés n’est jamais qu’un barème économique mal fait. Il est très approximatif, mais vise tout de même à se rapprocher de la valeur réelle de l’usufruit et de la nue-propriété.
En réalité, à travers l’opération d’apport avant donation, il est possible de soutenir que vous êtes plus proche de l’intention du législateur quant à la valorisation des droits démembrés que le barème de l’article 669 du code général des impôts lui-même.
L’opération n’est pas passée dans un but principalement fiscal.
En effet, elle permettra notamment d’éviter à vos héritiers de se retrouver en indivision au moment de votre décès. Les inconvénients civils de l’indivision sont tels qu’il ne saurait vous être reproché d’avoir mis l’opération en œuvre dans un but principalement fiscal.
Les personnes qui s’intéressent aux problématiques d’abus de droit peuvent prendre connaissance de mon article sur l’opération dite d’owner buy- out (OBO).
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