Vous avez fait l’objet d’une proposition de rectification. Vous y avez répondu. Dans sa réponse à vos observations, l’administration fiscale vous fait part de la possibilité de soumettre le litige à la « commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ». Faut-il la saisir ?

Saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires est souvent un atout. Cela est pourtant déconseillé dans certains cas.

L’objet du présent article est de vous aider à faire le bon choix.

Il s’agit également de vous permettre de comprendre son fonctionnement afin de réaliser votre objectif : faire tomber les redressements !

Par souci de simplicité, je parlerai souvent de « la commission ».

J’aborderai les points suivants :

  • Les situations dans lesquelles vous pouvez saisir la commission.
  • L’incidence de l’avis de la commission sur la charge de la preuve.
  • Le déroulé de la procédure devant la commission.
  • Comment se comporter devant la commission ?

Commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires : situations visées

Le contentieux fiscal est parfois perçu comme un vaste labyrinthe. Les règles sont foisonnantes et les possibilités de contestations sont nombreuses.

Cette complexité est cependant un atout :

  • Chaque voie de recours a ses avantages et ses inconvénients. Une bonne connaissance des différentes possibilités permet de choisir la solution la plus adaptée.
  • La complexité de la procédure fait que l’administration fiscale commet elle-même des erreurs. Ces « vices de procédure » ou « vices de forme » permettent souvent d’obtenir la décharge des redressements.

L’analyse des situations pour lesquelles la commission est compétente repose sur une double distinction : selon la procédure utilisée, et selon les redressements visés.

Commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires : procédures visées

L’accès à la commission n’est en principe ouvert que dans le cadre des procédures dites contradictoires.

Par exception, il est parfois ouvert suite à un examen de situation fiscale personnelle.

Principe : limitation de la compétence de la commission aux procédures contradictoires

Sauf dans le cadre de l’exception du titre suivant, la commission n’est en principe compétente que si vous faites l’objet d’une procédure dite « contradictoire ».

Il existe en effet deux grands types de procédures de vérification :

  • La procédure contradictoire d’une part ;
  • Les procédures dites « d’office » d’autre part.

La proposition de rectification vous indique en principe la procédure utilisée.

Pour plus de précisions sur la distinction entre procédure contradictoire et procédure d’office, vous pourrez bientôt consulter sur mon blog un article dédié.

Exception : la taxation d’office dans le cadre d’un examen de situation fiscale personnelle

Par exception au principe que je viens d’énoncer, l’article L.76 du Livre des procédures fiscales énonce :

« Lorsque le contribuable est taxé d’office en application de l’article L.69, à l’issue d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires peut être saisie […] ».

Deux conditions doivent donc être remplies :

  • Les redressements font suite à un examen de situation fiscale personnelle. N’hésitez pas à me contacter lorsque vous faites l’objet d’une telle procédure. C’est, je pense, le seul cas dans lequel l’assistance d’un avocat fiscaliste est presque toujours indispensable. Vous pouvez également consulter mon article dédié.
  • Vous êtes taxés d’office en application de l’article L.69 du Livre des procédures fiscales. Cela signifie que vous avez fait l’objet d’une demande d’éclaircissements ou de justifications, à laquelle l’administration estime que vous n’avez pas suffisamment répondu. Sur ce point encore, vous pouvez consulter mon article dédié. Je suis rompu à ce type de procédures.

Commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires : questions visées

Les questions des problématiques pour lesquelles la commission est compétente est complexe.

Les règles en la matière sont fixées à l’article L.59 A du Livre des procédures fiscales. Le citer intégralement serait trop long, mais je vous invite vivement à le consulter.

L’essentiel à retenir est que la commission est compétente pour apprécier :

  • Les questions de fait relatives à la détermination de votre résultat imposable.
  • La plupart des questions de fait relatives aux conditions d’application des régimes d’exonération ou d’allègements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles.
  • Celles relatives aux rémunérations jugées excessives, ou aux dépenses devant figurer sur votre « relevé des frais généraux ».
  • L’évaluation de la valeur vénale  notamment des immeubles et fonds de commerce.
  • La réalisation ou non d’un acte anormal de gestion.
  • Le montant de vos amortissements et provisions.
  • Le caractère déductible de travaux immobiliers.
  • Le montant de votre chiffre d’affaires soumis à TVA.

Pour dire les choses en résumant – et donc en simplifiant un peu – disons que la commission est compétente pour évoquer les questions de fait, plus que les questions de droit.

La commission peut cependant « sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d’être pris en compte pour l’examen de cette question de droit ».

Compétence de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires & vice de procédure

Il arrive que l’administration ne vous propose pas la saisine de la commission, alors même que celle-ci serait compétente.

Cela constitue un vice de procédure et entraîne la suppression des redressements (CE, 24 janvier 1986, n°46949).

Il en va de même si vous avez demandé la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires et que l’administration fiscale n’a pas donné suite à votre demande (CE, 15 juin 2001, n°220090).

Quoi qu’il en soit, dans toutes les procédures fiscales, un audit des éventuels vices de procédure commis par l’administration fiscale peut être décisif. Ne vous privez pas de la chance d’être assisté par un avocat spécialiste en droit fiscal.

Commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires : quelle incidence sur la charge de la preuve ?

Il m’apparaît important de procéder à un rappel général avant d’entrer dans le vif du sujet.

Je montrerai ensuite :

  • Que l’avis de la commission n’a en principe pas pour effet de renverser la charge de la preuve.
  • Mais qu’il existe deux exceptions à ce principe.

Règles de preuve en matière fiscale : rappel de principes généraux

La charge de la preuve du bien-fondé des redressements repose en principe sur la tête de l’administration fiscale.

Cette règle générale est cependant en partie contredite par le principe selon lequel chaque partie est tenue de produire les éléments dont elle est réputée avoir seule la disposition.

Prenons un exemple.

Vous avez déduit des dépenses de publicité. Imaginons que l’administration fiscale veuille remettre en cause leur caractère déductible. Elle supporte en principe la charge de la preuve de cette absence de déductibilité. Elle est néanmoins réputée rapporter cette preuve si vous n’êtes pas en mesure de justifier au moins en partie de la réalité et de l’utilité de cette dépense.

Vous l’avez compris, si l’énoncé de la règle de principe est rassurant, sa mise en œuvre pratique ne l’est pas toujours.

Mais revenons à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires !

Principe : l’administration continue à supporter la charge de la preuve

Ce principe est rappelé au 1er alinéa de l’article L.192 du Livre des procédures fiscales.

Il dispose que lorsque la commission est saisie :

« L’administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l’avis rendu par la commission ».

Je nuancerai ensuite. Mais on peut toutefois en déduire que la commission peut en principe être saisie sans crainte. Son avis n’est en effet pas supposé avoir d’influence sur la suite du litige.

Ceci étant dit, je déconseille de saisir la commission lorsque le dossier n’est pas solide. En effet, l’expérience me montre que l’administration fiscale et le juge de l’impôt ont tendance à s’aligner sur l’avis de la commission.

Si l’avis est défavorable, il est souvent un peu plus difficile – mais pas impossible – de remonter la pente !

En revanche, si le dossier vous semble solide, allez-y sans trop hésiter.

Exception n°1 : lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités

Venons en maintenant à notre première exception.

Elle est exposée au 2ème alinéa de l’article L.192 du Livre des procédures fiscales.

Ce texte énonce :

« La charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l’imposition a été établie conformément à l’avis de la commission ».

Le texte ajoute :

« La charge de la preuve des graves irrégularités invoqués par l’administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ».

Il en va de même en l’absence de comptabilité.

Nous touchons là au délicat sujet des « reconstitutions de chiffre d’affaires ».

Exception n°2 : à l’issue de certains ESFP (Examen de situation fiscale personnelle)

La deuxième exception est exposée au 3ème alinéa de l’article L.192 du Livre des procédures fiscales.

Il dispose que la charge de la preuve incombe également au contribuable « en cas de taxation d’office à l’issue d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L.16 et L.69 ».

Je vous renvoie sur ce point à mes développements sur la compétence de la commission et aux articles évoqués.

Saisine de la commission et inversion de la charge de la preuve

Dans les deux exceptions que je viens d’évoquer, la saisine de la commission peut être dangereuse.

Je ne vous invite à la saisir que si vous avez toute confiance dans la solidité de votre position.

L’avis préalable d’un professionnel me semble alors indispensable.

Commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires : comment se déroule la procédure ?

La procédure de saisine est relativement simple.

Vous avez trente jours pour demander sa saisine suite à la réception de la « réponse aux observations du contribuable ».

Je vous conseille d’envoyer votre demande de saisine par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception au service vérificateur.

Vous recevrez alors une convocation, et un rapport de l’administration, qu’elle communique à la commission.

Vous serez également invité à répondre au rapport de l’administration. Seule la production par vos soins d’un mémoire complet et dûment documenté peut permettre l’obtention d’un avis favorable. Pour ma part, j’ai l’habitude, lorsque cela est nécessaire, de compléter mon argumentaire juridique par un rapport chiffré rédigé par un professionnel assermenté.

Le jour dit, rendez-vous sur les lieux et exposez simplement votre cas.

La commission rendra ensuite un avis, qui est en général suivi par l’administration. Elle n’y est cependant pas obligée.

Enfin, ne soyez pas étonné par les délais. Selon les lieux, la commission met parfois plusieurs mois pour se réunir, et parfois presque autant de temps pour rendre son avis.

Comment se comporter devant la commission ?

La commission est présidée par un magistrat.

Elle comprend également des membres de l’administration fiscale et des représentants des contribuables. Parmi ceux-ci, on compte en principe un expert-comptable. Vous pouvez également demander, dans certains cas, la nomination d’un représentant de votre profession ou de votre ordre professionnel.

Cette diversité est une réelle opportunité. Ne passez pas à côté.

La réunion de la commission est donc l’occasion idéale pour exprimer les contraintes propres à votre entreprise et à votre secteur d’activité.

Évitez les remarques trop générales sur le système fiscal français. L’important est de justifier vos choix comptables et fiscaux par la situation propre de votre entreprise.

Ne vous laissez pas déstabiliser par la présence du vérificateur, qui vient en général défendre son dossier. Ce n’est pas à lui que vous vous adressez. La priorité est de réussir à convaincre le Président de la commission. S’il ne semble pas réagir favorablement, essayer de sentir les arguments qui peuvent toucher l’expert-comptable. Sa voix est souvent écoutée pendant le délibéré, pour sa proximité avec la vie économique réelle.

Un dernier conseil : le plus tôt possible, renseignez-vous sur l’association professionnelle de votre secteur qui pourrait envoyer un représentant devant la commission. Il sera à même d’exposer les contraintes propres à votre métier. Ensuite, contactez sans délai le secrétaire de la commission pour demander sa présence. Cette possibilité n’est ouverte que dans certaines circonstances.

La présence d’un avocat spécialiste en droit fiscal est souvent un atout décisif. Je suis votre homme!