La demande d’éclaircissements ou de justifications qui vous est adressée par l’administration fiscale doit être traitée avec le plus grand sérieux. Une absence de réponse ou une réponse incomplète peut vous exposer à des redressements dans le cadre d’une procédure dite de « taxation d’office ».

Le silence suite à une « demande de justifications » peut notamment être dramatique dans le cadre d’un examen de situation fiscale personnelle.

Les demandes de l’administration fiscale n’ont pas toutes le même degré de gravité.

Aucune ne doit être prise à la légère, mais certaines peuvent avoir des conséquences plus importantes que les autres.

Ainsi par exemple, le fisc peut vous adresser de simples « demandes de renseignements » non contraignantes. Si vous n’y répondez pas, il est possible que l’administration fiscale engage des investigations plus poussées. Mais l’absence de réponse à une telle demande n’entraîne pas en soi une sanction prévue par la loi.

Tel n’est pas le cas en matière de demandes d’éclaircissements ou de justifications.

Demandes d’éclaircissements ou de justifications : logique du dispositif

Avant d’aller plus loin, je tiens à vous faire comprendre la logique général qui sous-tend la demande d’éclaircissements ou de justification que vous avez peut-être reçue.

Vous comprendrez alors que la réception d’un tel document n’a rien d’anodin. Elle recèle en réalité un piège qui vous est tendu par le vérificateur fiscal. Pour ne pas y tomber, il est d’abord nécessaire de le comprendre et de l’analyser.

Plongeons donc dans l’architecture des textes du Livre des procédures fiscales.

Demandes d’éclaircissements & demandes de justifications

Une précision sémantique s’impose avant d’aller plus loin.

Le courrier que vous avez reçu de la part de l’administration est probablement intitulé « demande d’éclaircissements ou de justifications ». Il s’agit du formulaire n°2172-SD.

Mais en pratique, le corps du courrier vous précise bien s’il s’agit d’une demande d’éclaircissement ou d’une demande de justification.

Le plus souvent, il s’agira d’une demande de justification. C’est pourquoi je ne traite ici que de ces dernières.

Les demandes d’éclaircissement sont plus rares. Elles suivent une logique comparable, mais sont moins utilisées dans la mesure où elles ne peuvent porter que sur des éléments déjà contenus dans vos déclarations

Demandes d’éclaircissements ou de justifications : ce que disent les textes

Il ne s’agit pas ici de rentrer dans trop de subtilités, mais de vous permettre de comprendre l’étendue de vos droits et des pouvoirs de l’administration fiscale.

Les principaux textes en la matière sont les articles L.16, L.16 A et L.69 du livre des procédures fiscales.

L’article L.16 du Livre des procédures fiscales

Ce texte indique une liste de circonstances dans lesquelles l’administration est en droit de vous demander des « justifications ».

En conséquences, l’administration fiscale ne peut vous demander des justifications que pour les éléments visés par celui-ci. Cela ne l’empêche pas de vous interroger sur des éléments non visés. Mais une absence de réponse de votre part n’aura pas les conséquences que je m’apprête à vous exposer, à commencer par le risque de taxation d’office.

Éléments visés par l’article L.16 du livre des procédures fiscales

Ce texte vise les points suivants :

  • Les revenus fonciers,
  • Certains gains de cession de valeurs mobilières,
  • Les plus-values immobilières,
  • La situation et les charges de famille,
  • Les charges retranchées du revenu global ou ouvrant droit à réduction d’impôt,
  • Les avoirs ou revenus d’avoir à l’étranger.

L’administration fiscale peut également vous demander des justifications lorsqu’il a réuni des éléments permettant d’établir que vous avez eu des revenus plus importants que ceux que vous avez déclarés. Je reviendrai plus bas sur ce point très important.

L’article L.16 A du livre des procédures fiscales

Ce texte dispose :

« Les demandes d’éclaircissements et de justification fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois.

Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d’éclaircissements ou de justifications, l’administration lu adresse une mise en demeure d’avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu’elle souhaite ».

En application de ce texte, votre réponse doit être claire et précise.

Il ne suffit malheureusement pas, pour vous défendre sur l’origine d’un crédit bancaire, d’invoquer, par exemple, un succès aux jeux dont vous n’apporteriez pas la preuve.

Votre demande doit être précise et documentée. A défaut, l’administration fiscale vous adressera une deuxième demande. Si celle-ci ne lui suffit pas, elle sera en droit de procéder à une « taxation d’office », prévue par l’article L.69 du livre des procédures fiscales.

L’article L.69 du livre des procédures fiscales

Ce texte dispose :

« Sous réserve des dispositions particulières au mode de déterminations des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d’office à l’impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d’éclaircissements ou de justifications prévues à l’article L.16 ».

En application de ce texte, le défaut de réponse, ou même une réponse insuffisante, permet à l’administration de procéder à une « taxation d’office ». Or, dans une telle procédure, vous êtes privés de l’essentiel de vos droits procéduraux.

Demandes d’éclaircissements ou de justifications et examen de situation fiscale personnelle

La terre d’élection des demandes de justification est l’examen de situation fiscale personnelle (ESFP).

Demandes de justifications & ESFP : méthode de l’administration

Bien que distinctes, ces deux procédures sont souvent menées concomitamment.

L’administration fiscale procède alors en deux temps :

Elle établit d’abord, que vos revenus ont été largement supérieurs à ceux que vous avez déclarés. Pour ce faire, elle compare la somme de vos crédits bancaires et de comptes courants avec vos déclarations fiscales.

Dans un deuxième temps, elle vous adresse une demande de justifications pour vous sommer d’expliquer cette incohérence.

A défaut de justifications suffisantes, elle procède à une taxation d’office de la différence.

N’hésitez pas à prendre connaissance de mon article sur l’examen de situation fiscale personnelle.

Demandes d’éclaircissements ou de justifications & ESFP : analyse

Cette manière de procéder s’explique assez facilement.

En effet, l’examen de situation fiscale personnelle est une méthode de contrôle dite « non contraignante ». Il en résulte que vous n’êtes pas obliger d’y collaborer.

Vous pouvez par exemple refuser de fournir vos relevés bancaires sans risquer d’encourir une procédure d’opposition à contrôle fiscal (cf. mon article sur le sujet). A l’inverse, l’administration fiscale est tenue d’essayer d’engager un dialogue oral et contradictoire avec vous. Mais vous n’êtes heureusement pas tenu de faire des aveux.

La procédure de demande de justifications lui permet alors de procéder à une taxation d’office de vos revenus y compris en cas de refus de collaborer de votre part. La taxation d’office lui permet alors de présumer que vos crédits bancaires ou de comptes courant non justifiés sont des revenus.

Au préalable, elle aura obtenu vos relevés bancaires auprès de votre banque dans le cadre de son « droit de communication ».

Bien entendu, l’administration fiscale peut vous adresser des demandes d’éclaircissements ou de justification en dehors de tout examen de situation fiscale personnelle.

Demandes d’éclaircissement ou de justifications : comment se défendre ?

Comme souvent sur le plan fiscal, deux types de défenses sont possibles :

  • La défense au fond ;
  • La défense sur le plan procédural.

Ces deux approches peuvent bien sûr être menées concomitamment.

Défense au fond suite à une demande d’éclaircissements ou de justifications

Vous avez répondu dans les délais à une demande d’éclaircissements ou de justifications.

Votre courrier était étayé, mais l’agent vérificateur refuse d’admettre la validité des éléments justificatifs.

La stratégie à adopter est alors assez basique. Elle consiste à soutenir coûte que coûte le bienfondé de votre position, le cas échéant en apportant des justifications complémentaires. L’assistance d’un avocat fiscaliste peut-être un atout décisif.

Une grande force de persuasion est souvent nécessaire pour faire admettre à l’administration certaines réalités de la vie économique. Tel est notamment le cas en matière de prêts intra-familiaux, ou de rapatriement de capitaux depuis l’étranger.

Les situations que l’on peut rencontrer en pratique sont innombrables. Le raisonnement par comparaison avec la jurisprudence abondante en la matière peut être efficace.

Défense procédurale suite à une demande d’éclaircissements ou de justifications

La procédure de taxation d’office a pour effet de vous priver de l’essentiel des droits procéduraux applicables.

En conséquence, une des stratégies les plus efficaces consiste à apporter la preuve que la taxation d’office n’était pas justifiée. En conséquence, vous avez été indument privés de vos droits procéduraux.

Lorsqu’elle réussit, cette stratégie permet d’obtenir la décharge des suppléments d’imposition issus de la taxation d’office.

Elle pourra par exemple consister à :

  • Apporter la preuve que la différence entre les crédits bancaires et de comptes courant et les revenus déclarés ne suffisaient pas pour justifier la procédure de demande d’éclaircissements ou de justifications. Des calculs relativement complexes sont alors nécessaires. Une vérification de ce point est indispensable.
  • Apporter la preuve que la demande de justification n’est pas permis par la loi dans votre situations.
  • Soutenir que la demande de justifications était rédigée en termes trop généraux (CE, 14 février 1979, n°10161).
  • Montrer que l’administration fiscale n’a pas respecter des délais de réponse suffisants.
  • Montrer que la demande de précisions demandée par l’administration fiscale n’était elle-même pas suffisamment précise (CAA Lyon, 22 septembre 1999).

Demandes d’éclaircissements ou de justifications : les atouts de l’avocat fiscaliste

Si vous faites l’objet d’une demande d’éclaircissements ou de justifications portant sur des sommes substantielles, je vous recommande vivement l’assistance d’un avocat spécialisé en droit fiscal.

Il ne s’agit pas ici de vous vendre mes services à tout prix.

L’expérience montre simplement que mon intervention dès le début du dossier permet de construire une stratégie cohérente, tenant en compte le calendrier de procédure, évaluant les informations dont l’administration peut disposer par ailleurs, formuler habilement les justifications.

L’administration fiscale à son propre langage. Il est nécessaire de lui répondre dans sa langue (Cf. mon article sur la psychologie de l’inspecteur des impôts).

Une intervention au plus tôt dans le dossier est souvent un facteur décisif de succès.