Lorsque l’administration fiscale vous contrôle, elle procède en principe en deux temps : elle établit le montant des redressements à régler, et cherche ensuite à recouvrer les sommes entre vos mains. Mais une procédure vient parfois perturber l’ordre des choses : la flagrance fiscale.
Cette procédure de flagrance fiscale concerne les professionnels. Attention, certaines contestations sont enfermées dans un délai de quinze jours !
L’utilisation de la procédure de flagrance fiscale par l’administration est rare.
Disons-le clairement : sa mise en œuvre traduit le fait qu’elle vous prend pour un fraudeur avéré.
Vous devez donc connaître cette procédure pour faire valoir vos droits dans un cadre juridique qui permet parfois au fisc de vous frapper directement au portefeuille, sans préavis et sans intervention préalable d’un juge.
La contrepartie de ce pouvoir exorbitant est que les conditions de mise en œuvre sont strictes et que les pouvoirs de l’administration sont encadrés.
Je vous propose ici une présentation générale de cette procédure. Vous constaterez qu’elle donne des pouvoirs exorbitants à l’administration. En contrepartie, ses conditions d’application sont strictes, et il n’est pas exclue que l’administration l’utilise de manière abusive.
N’hésitez pas à me contacter pour vous conseiller et vous défendre. Cette procédure est le plus souvent mise en œuvre lorsque l’administration fiscale soupçonne une fraude à la TVA.
La flagrance fiscale : une procédure-éclair
Le rythme de l’administration fiscale n’est en général pas celui de la vie des affaires, et encore moins celui des fraudeurs professionnels.
En principe, l’administration fiscale ne contrôle les entreprises que sur les périodes fiscales passées. A l’issue du contrôle, elle prend alors des garanties pour assurer le recouvrement de sa créance.
Pour le dire trivialement, en procédant ainsi, le fisc arrive parfois après la bataille.
En effet, certains contribuables parviennent à organiser leur insolvabilité avant l’issue des opérations de contrôle.
Dans ces situations, l’administration fiscale parvient certes souvent à notifier des redressements, mais se retrouve dans l’impossibilité d’en assurer le recouvrement.
L’administration fiscale a donc fait passer dans la loi une procédure permettant de lutter contre ce type de situations : la flagrance fiscale.
La flagrance fiscale permet un contrôle immédiat de la période fiscale en cours
La gestion du calendrier et des délais est souvent un aspect décisif du contrôle fiscal. La flagrance fiscale permet à l’administration fiscale de bouleverser le calendrier habituel des choses dans le cadre d’une autre procédure de contrôle déjà en cours.
Cette procédure se greffe donc sur une autre procédure de contrôle, dont elle est l’accessoire.
La flagrance fiscale est l’accessoire d’une autre procédure de contrôle
Il s’agit en général d’une procédure de contrôle du respect de vos obligations fiscales.
- Droit de visite et de saisie (article L.16 B du livre des procédures fiscales);
- Contrôle de la TVA des contribuables placés sous le régime simplifié d’imposition (Article L.16 D du livre des procédures fiscales) ;
- Contrôle inopiné (dernier alinéa de l’article L.47 du livre des procédures fiscales) ;
- Droit d’enquête (article L.80 F du livre des procédures fiscales) ;
- Vérification sur place de la TVA (article L.13 du livre des procédures fiscales).
Mais il peut également s’agir du contrôle du respect d’obligations autres que fiscales, et notamment de celles liées à la réglementation des paiements en espèce, ou à l’interdiction du travail dissimulé.
L’administration peut également utiliser cette procédure lorsqu’une enquête pénale est en cours et que vous êtes soupçonné de vous être livré à une activité illicite.
La flagrance fiscale permet de contrôler des périodes pour lesquelles les obligations déclaratives ne sont pas échues.
La philosophie générale de la procédure est de permettre à l’administration fiscale d’aller au moins aussi vite que ceux qu’elle considère comme des fraudeurs.
Par exception à la règle générale, l’administration fiscale peut donc, dans le cadre de cette procédure, contrôler une période au titre de laquelle vos obligations déclaratives ne sont pas encore échues.
Tel pourrait par exemple être le cas si :
L’administration fiscale considère que vous avez en France un « établissement stable », c’est-à-dire une entreprise apparemment établie à l’étranger mais ayant en France une présence physique. Le fisc pourrait alors en quelque sorte présumer que vous n’avez pas l’intention de déclarer vos impositions de l’année en cours.
L’administration fiscale considère que vous vous êtes placé à tort sous le régime simplifié de liquidation de la TVA (déclaration annuelle). Elle peut alors, en vertu de la procédure de flagrance, calculer le montant des déclarations mensuelles de TVA que vous auriez en principe dû réaliser.
La flagrance fiscale frappe directement au portefeuille
Lorsque les conditions de la flagrance sont remplies, la loi permet à l’administration fiscale de prendre des mesures conservatoires contre vous sans autorisation préalable du juge de l’exécution.
Il s’agit donc d’une procédure particulièrement brutale.
L’administration fiscale est alors en droit de bloquer vos comptes bancaires, ou de prendre des garanties sur un de vos immeubles, sans aucune possibilité d’opposition préalable de votre part !
Néanmoins, il existe heureusement des possibilités de contestation immédiate de ces mesures, comme je vous l’exposerai plus bas.
Les autres conséquences de la flagrance fiscale
Outre les possibilités données à l’administration fiscale en matière de mesures conservatoires, la mise en œuvre de cette procédure induit les conséquences négatives suivantes :
Flagrance fiscale & extension du délai de reprise
Le délai de reprise est alors porté à dix ans.
Cette extension du délai de reprise est prévue par le cinquième alinéa de l’article L.169 du LPF.
Elle mériterait à mon sens d’être contestée devant le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l’homme.
En effet, on peut éventuellement comprendre que l’administration fiscale dispose de pouvoirs plus étendus lorsqu’un contribuable est pris en « flagrant délit » et qu’il lui est nécessaire d’agir dans l’urgence.
Il est en revanche plus difficile d’expliquer pourquoi le contribuable devrait être plus douloureusement sanctionné dans de telles circonstances.
Flagrance fiscale & amende spécifique
Selon les circonstances, la mise en œuvre de la flagrance donne lieu à l’application d’une amende comprise entre 5 000 € et 30 000 €, qui est fonction du chiffre d’affaire de votre entreprise.
D’autres sanctions peuvent s’y substituer :
- La majoration de 80% pour activité occulte ou manœuvres frauduleuses.
- Les majorations au titre de l’abus de droit.
- L’amende de 50% pour facture fictive.
Pour les mêmes raisons que celles évoquées au titre de l’extension du délai de reprise, la légalité de cette amende pourrait être contestée.
Flagrance fiscale & durée de la vérification
La limitation de la vérification de comptabilité de l’entreprise n’est plus limitée à trois mois, y compris lorsque les autres conditions permettant une telle limitation de durée sont remplies (cf. article L.52 du Livre des procédures fiscales).
Flagrance fiscale & réitération du contrôle fiscal
Contrairement au droit commun, l’administration fiscale pourra procéder à un nouveau contrôle de la période ayant fait l’objet d’un procès-verbal de flagrance.
Flagrance fiscale et taxation d’office
Si les conditions de la flagrance fiscale sont remplies, l’administration fiscale pourra vous « taxer d’office » au titre de la période concernée.
La taxation d’office est une procédure spéciale de redressement dans laquelle vos droits procéduraux sont moins importants.
Les conditions de la flagrance fiscale
Vous l’avez compris, les conséquences de la mise en œuvre d’une procédure de flagrance fiscale sont redoutables.
L’extension du délai de reprise de trois à dix ans peut être dramatique.
L’administration fiscale n’a cependant pas tous les droits, et certainement pas celui d’engager une telle procédure à la légère.
C’est pourquoi des conditions strictes entourent sa mise en œuvre.
Il faut d’abord qu’il existe des « circonstances susceptibles de menacer le recouvrement » de l’impôt.
L’administration doit également caractériser un manquement grave de votre part, parmi ceux limitativement énumérés par la loi.
Il s’agira le plus souvent de :
- L’exercice d’une activité occulte.
- La délivrance ou de la comptabilisation de factures fictives, dans le cadre d’un schéma de fraude à la TVA.
- L’absence de comptabilité suffisamment probante.
- La réitération de certains manquements déclaratifs.
- L’utilisation de certains logiciels frauduleux.
- Certains manquements à la législation du travail.
La contestation des éléments justifiant la flagrance donnera le plus souvent lieu à une lutte pied à pied avec l’administration fiscale. En effet, des voies de recours existent.
Les voies de recours contre la procédure de flagrance fiscale
Vous pouvez contester la procédure de flagrance fiscale de trois manières différentes.
L’articulation entre ces trois moyens de défense nécessite une attention particulière.
Il existe ainsi une voie de recours de droit commun et deux voies de recours spécifiques, que je vais successivement vous présenter.
Flagrance fiscale : les voies de recours de droit commun
Cette voie de recours de droit commun consiste tout simplement à contester l’application de la procédure de façon classique, devant l’administration fiscale ou devant le juge de l’impôt.
Pour ce faire, il convient de démontrer que les conditions de la procédure de flagrance fiscale ne sont pas remplies, dans le cadre des différentes voies de recours qui vous sont ouvertes :
- Réponse à proposition de rectification,
- Interlocution départementale,
- Réclamation contentieuse,
- Conciliation fiscale,
- Recours devant le tribunal administratif,
- Etc.
Si votre argumentaire porte, les redressements résultant de la mise en œuvre de cette procédure pourront être remis en cause !
Flagrance fiscale : les voies de recours spécifiques
Outre la contestation au titre du droit commun de la procédure fiscale, la loi a prévu deux autres procédures de contestation, afin de prévenir une éventuelle utilisation abusive de la flagrance par l’administration.
Ces deux procédures ont deux objets bien distincts :
- La première permet de contester la mise en œuvre de la procédure de flagrance elle-même.
- La deuxième permet uniquement la contestation des mesures conservatoires.
Flagrance fiscale & voies de recours spécifique contre la mise en œuvre de la procédure
La procédure de flagrance est engagée par la notification d’un « procès-verbal » de flagrance fiscale.
Si un tel procès-verbal vous est notifié, vous disposez alors d’un délai de seulement quinze jours pour le contester devant le juge du référé administratif.
Sauf cas particuliers, je vous conseille de saisir le juge dans ce délai.
En cas de succès, cela permet de tuer dans l’œuf toutes les conséquences négatives de la flagrance :
- Amende spécifique ;
- Extension du délai de reprise ;
- Procédure de taxation d’office ;
- Contrôle de périodes fiscales non échues ;
- Mesures conservatoires brutales et immédiates.
Votre travail devant le juge consistera à créer dans son esprit un doute sérieux sur la légalité de la mise en œuvre de la procédure de flagrance par l’administration.
Le débat pourra notamment porter sur l’existence ou non de « circonstances particulières susceptibles de menacer le recouvrement de l’impôt ». En effet, la procédure ne peut être mise en place que dans de telles circonstances (article L.16-0 BA du Livre des procédures fiscales).
La contestation est également de nature à obliger à l’administration à « vider son sac », en dévoilant immédiatement l’essentiel des pièces dont elle dispose dans son dossier.
Flagrance fiscale & voies de recours spécifique : le contentieux des mesures conservatoires
Cette procédure est plus circonscrite.
Il ne s’agit pas de contester la procédure de flagrance dans son ensemble, mais uniquement les mesures conservatoires.
Ces mesures doivent être contestées dans les quinze jours de leur notification. Le tribunal compétent est également le juge du référé administratif.
Parlez-en à votre avocat fiscaliste.
0 commentaires