Il est tôt le matin. Plusieurs inspecteurs des impôts et un officier de police judiciaire vous réveillent chez vous, ou sonnent à la porte de votre entreprise. Ils vous expliquent venir pour exercer un « droit de visite et de saisie ». Il s’agit d’une véritable perquisition fiscale.

La perquisition fiscale est le moyen le plus invasif et le plus brutal à la disposition du fisc. Heureusement, elle est fortement encadrée.

A l’issue de la perquisition, vous disposerez de deux voies de recours propres à cette procédure :

  • Un appel contre la décision ayant autorisé la perquisition fiscale,
  • Un recours spécifique contre le déroulé des opérations de visites et de saisies.

Une large part de votre sort se jouera donc après.

Néanmoins, les contestations se préparent pendant les opérations de contrôle. Je vais tenter de vous donner quelques clefs pour vous aider à la fois :

  • A vivre la perquisition que vous êtes peut-être en train de subir le plus sereinement possible.
  • A préparer la contestation tant de la perquisition elle-même que de son déroulement.

Une dernière précision s’impose avant d’entrer dans le vif du sujet. Tout contrôle sans préavis de la part du fisc n’est pas nécessairement une perquisition fiscale. Il peut également s’agir d’un « contrôle inopiné ». Un tel contrôle ne doit pas être pris à la légère mais ne présente le plus souvent pas la même gravité.

Il peut également s’agir d’un « droit d’enquête » relatif aux règles de facturation propres à la TVA.

Sur ces deux points, je vous renvoie à mes articles dédiés.

Mais revenons à notre sujet.

Droit de visite et de saisie ou perquisition fiscale : remarque terminologique

Le terme de « perquisition fiscale » n’existe pas dans la loi française.

Mais si le mot n’existe pas, la chose est bien présente.

Elle est maquillée sous le terme pudique de « droit de visite et de saisie ».

Il s’agit pourtant bien d’une véritable « perquisition fiscale ». Le terme est d’ailleurs couramment utilisé en pratique et dans toutes les revues juridiques.

Perquisition fiscale : présentation générale

Le droit de visite et de saisie se caractérise par les éléments suivants :

  • Elle nécessite une autorisation préalable d’un magistrat, le « juge des libertés et de la détention ».
  • Suite à cette autorisation, l’administration fiscale peut venir vous perquisitionner, à votre domicile ou dans votre entreprise.
  • Cette perquisition peut donner lieu à des saisies de documents, destinés à servir de preuve dans le cadre de procédures fiscales ultérieures.
  • Avec en France moins de 300 perquisitions fiscales par an, il s’agit d’une procédure rare.

Le plus souvent – mais pas toujours – le but de l’administration fiscale est d’apporter la preuve de l’existence en France de « l’établissement stable » d’une société étrangère. En présence d’un tel établissement stable, qui suppose une présence physique suffisante, l’administration fiscale peut exiger le paiement des impôts commerciaux.

Enfin, l’effet de surprise et le caractère intrusif en font une arme particulièrement brutale. Mais des moyens de défense existent à l’issue de la perquisition. En cours de perquisition, certaines précautions doivent absolument être prises pour assurer la suite du combat procédural. Lisez cet article en intégralité et contactez moi immédiatement.

Ensuite, c’est prosaïque mais indispensable : faites en sorte d’avoir de quoi vous nourrir pendant la longue journée qui s’annonce.

Éléments justifiant une perquisition fiscale

Le droit de visite et de saisie ne peut être autorisé par le juge que lorsque certaines circonstances sont remplies.

L’administration doit en effet apporter la preuve qu’il existe des « présomptions » que vous soyez impliqué, soit comme auteur, soit à tout autre titre, dans certains comportements frauduleux.

Ces comportements sont énumérés de façon limitative à l’article L.16 B du livre des procédures fiscales.

Droit de visite et de saisie : impôts concernés

Le droit de visite et de saisie ne peut être utilisé que lorsqu’il existe des présomptions de fraudes à certains impôts.

Il peut s’agir de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu ou de la TVA.

La perquisition fiscale est donc exclue notamment en matière d’IFI (impôt sur la fortune immobilière) ou de droits d’enregistrement.

Droit de visite et de saisie : agissements frauduleux concernés

Les agissements frauduleux justifiant la mise en œuvre d’une perquisition fiscale sont limitativement énumérés par la loi.

Sont concernés :

  • Les achats ou ventes sans factures,
  • Les factures ou documents ne se rapportant pas à des opérations réelles,
  • Les omissions d’écritures comptables,
  • Les écritures comptables inexactes ou fictives.

Cette liste est relativement ouverte.

Son existence est cependant déterminante. Comme je vous l’exposerai plus avant, l’administration doit apporter la preuve de présomption de tels agissements avant la perquisition. A défaut, la perquisition pourra être annulée.

Perquisition fiscale : les modalités d’autorisation par le Juge des libertés et de la détention (JLD)

Comme évoqué, le monopole de l’autorisation des perquisitions fiscales est confiée à un magistrat spécifique de l’ordre judiciaire : le juge des libertés et de la détention.

Il agit uniquement à la demande de l’administration fiscale.

Son rôle se limite à vérifier si les conditions permettant la perquisition sont réunies. Autrement dit, il vérifie s’il existe effectivement des présomptions de fraude, sur la base des éléments de preuve fournis par l’administration.

Déroulement de la perquisition fiscale

L’arrivée des agents des impôts et d’un officier de police judiciaire (étape 1)

C’est sans doute l’étape la plus traumatisante de la perquisition fiscale. La présence d’un officier de police judiciaire peut causer un effet panique sur votre conjoint ou vos enfants.

L’effet est d’autant plus violent que la perquisition peut commencer dès 6 heures du matin. En revanche, elle ne peut pas commencer après 21h.

Dès leur arrivée, les agents vous exposent par oral les motifs de leur venue, et vous remettent une copie de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.

La remise d’une copie de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention (étape 2)

Prenez immédiatement connaissance de cette ordonnance.

Faites en une copie, et envoyez la immédiatement à votre avocat spécialiste en droit fiscal.

Gardez précieusement l’original.

La perquisition des lieux (étape 3)

Les agents des impôts vont fouiller méthodiquement les lieux, en privilégiant bien sûr les bureaux.

Vos véhicules pourront également être fouillés.

L’administration va également procéder à un examen approfondi de votre matériel et de vos fichiers informatique.

La sélection et la saisine des documents (étape 4)

Cette étape est la suite logique de la précédente.

Des règles spécifiques existent concernant les documents informatisés.

La notification du procès-verbal et de l’inventaire (étape 5)

A la fin des opérations de saisie, un procès-verbal et un inventaire sont dressés.

Si vous n’êtes pas la personne soupçonnée d’avoir commis les infractions recherchées, sachez que copie du procès-verbal et de l’inventaire seront également adressés à la personne soupçonnée de les avoir commises.

Perquisition fiscale & audition éventuelle

Comme son nom l’indique, le droit de visite et de saisie, vise d’abord à permettre à l’administration de se constituer des preuves à partir de documents.

Néanmoins, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, l’administration fiscale peut également vous entendre. L’administration fiscale n’a en principe pas le droit de vous entendre sur le contenu des pièces saisies.

Je vous conseille de ne rien dire en dehors de la présence de votre avocat fiscaliste.

Perquisition fiscale : comment réagir pendant les opérations?

Refusez toute audition en dehors de la présence de votre avocat fiscaliste.

Opposez vous à la saisie des documents qui pourraient être couverts par le secret professionnel. Je pense notamment à d’éventuelles correspondances avec votre avocat. Cette opposition ne doit bien sûr pas être physique. Le cas échéant, adressez vous à l’officier de police judiciaire présent pour demander la mise sous scellée des pièces litigieuses.

Relisez le procès-verbal avant de le signer, et demandez à ce que vos observations y soient annexées.

En cas de difficultés, demandez à l’officier de police judiciaire l’intervention du juge des libertés et de la détention.

Droit de visite et de saisies : les voies de recours

Il existe deux voies de recours spéciales suite à une procédure de perquisition fiscale :

  • L’appel contre l’autorisation du Juge des Libertés et de la détention ayant autorisé la perquisition fiscale.
  • Un recours en premier et dernier ressort contre le déroulé des opérations.

Droit de visite et de saisie : l’appel contre l’ordonnance du JLD

Un appel contre l’ordonnance autorisant la saisie peut être intenté dans les quinze jours de sa notification.

En cas de succès, l’administration fiscale ne pourra invoquer contre vous aucune des pièces saisies.

Moyens invocable contre l’autorisation de perquisition fiscale

Plusieurs moyens de contestation peuvent être invoqués.

La contestation peut porter notamment sur :

  • Le bien fondé des présomptions de fraude invoquées par l’administration fiscale.
  • La licéité des pièces présentées au Juge des Libertés et de la Détention au soutien de sa requête.
  • L’absence de loyauté de l’administration
  • L’utilité de rechercher des pièces dans les locaux visés par l’ordonnance.
  • L’atteinte à l’inviolabilité du domicile.
  • La proportionnalité des modalités de la visite prévues par l’ordonnance.

Personnes pouvant engager le recours contre l’ordonnance du JLD

Le recours peut être intenté par :

  • L’occupant des lieux (Com., 27 juin 2019, n°17-31478).
  • La personne soupçonnée de fraude. Dans la mesure où l’ordonnance ne lui est en principe pas notifiée, le délai de quinze jours ne court pas, et le recours peut-être engagé à tout moment.
  • Tout tiers justifiant d’un intérêt légitime.

Recours contre l’ordonnance du JLD suivi d’un désistement : une stratégie possible

Ce recours permet d’avoir accès aux pièces utilisées par l’administration pour obtenir son ordonnance.

Il peut être utile de se désister de son recours, après l’avoir formé dans le seul but d’obtenir copie de ces pièces.

Droit de visite et de saisie : le recours spécifique contre le déroulé des opérations

A l’issue des opérations, un procès-verbal et un inventaire vous sont remis.

Vous pouvez également le recevoir par courrier recommandé, notamment si vous n’êtes pas la personne chez qui s’est déroulé la saisine.

Vous disposez alors d’un délai de quinze jours pour contester le déroulement des opérations de saisie devant le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle la saisie a été autorisée.

Le fait que vous ayez signé le procès-verbal sans aucune réserve ne vous empêche en aucun cas d’exercer un tel recours (Cass. Com. 18 janvier 2011, n°10-11.778).

L’objectif d’un tel recours est d’interdire à l’administration fiscale d’utiliser contre vous les pièces obtenues en exerçant son droit de visite et de saisies.

Recours contre le déroulé de la perquisition fiscale : exemples

De nombreux moyens peuvent être utilisés :

  • Soutenir que la visite n’a pas eu lieu en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, ou de deux témoins.
  • Relever le fait que l’administration fiscale n’a pas laissé votre avocat intervenir (Cass. Com., 12 décembre 2018, n° 17-16.370).
  • Invoquer la réalisation de saisies massives et indifférenciées de documents (Cass. Com., 3 mai 2018, n°16-26064).
  • Démontrer l’irrespect du secret professionnel de l’avocat (Cass. Com., 26 novembre 2013, n°12-27.162).
  • Relever l’irrespect du secret des sources des journalistes.
  • Démontrer l’illégalité des conditions de l’audition éventuellement réalisée.
  • Invoquer le respect du droit à la vie privée.
  • Soutenir l’absence de pertinence des pièces saisies eu égard à la fraude recherchée.
  • Etc.

La présence d’un avocat au plus tôt au cours des opérations permet de relever immédiatement et de se ménager la preuve de tels manquements.

Ils peuvent être invoqués y compris si vous n’êtes pas la personne perquisitionnée. Dans cette hypothèse, le délais de quinze jours ne cours pas. En effet, le procès-verbal ne vous sont alors en principe pas notifiés.

La perquisition fiscale et ses suites

Perquisition fiscale : la restitution des pièces saisies

En principe, les pièces et éléments saisis doivent vous être restitués dans les six mois.

Perquisition fiscale et contrôle fiscal subséquent

L’article L.16 B du Livre des procédures fiscale précise que les informations recueillies dans le cadre d’une perquisition fiscale ne peuvent-être utilisées pour vous redresser que dans le cadre de deux procédures spécifiques :

Il est d’ailleurs tout à fait possible que l’administration fiscale ne diligente pas ces procédures contre vous, mais contre un tiers avec qui vous avez été en relation.

Si ces procédures sont dirigées contre vous ou votre entreprise, vous aurez la possibilité de faire valoir vos arguments, dans le cadre propre à ces procédures.

Droit de visite et de saisie et poursuites pour fraude fiscale

La perquisition fiscale est régulièrement suivie de poursuite pour fraude fiscale.

Une défense prenant en compte l’ensemble des éléments, fiscaux et pénaux, est nécessaire.