Des agents des impôts se présentent à la porte de votre entreprise. Ils ne vous ont pas avertis de cette visite. Ils exigent notamment de pouvoir opérer des constatations matérielles, et de réaliser des copies de votre comptabilité informatisée. Il s’agit probablement d’un « contrôle inopiné ».
Le fisc a en effet le droit de réaliser un certain nombre de contrôles sans vous avoir prévenu. Le « contrôle inopiné » est le plus fréquent.
Le contrôle inopiné figure en première place après :
- Le « droit de visite et de saisie », prévu par l’article L.16 B du livre des procédures fiscales.
- Le « droit d’enquête », prévu aux articles L.80 F à L.80 J du livre des procédures fiscales.
Ces procédures ont en commun, non seulement d’être mise en œuvre sans que vous en ayez été prévenu au préalable, mais de permettre à l’administration de venir procéder à des investigation au sein même de votre entreprise.
Elles se distinguent notamment du « droit de communication », qui permet certes à l’administration d’investiguer à votre sujet sans vous en avertir, mais qui ne se traduit pas par une visite sur place.
Mais revenons au contrôle inopiné.
Parce qu’il est très intrusif et ne permet pas l’assistance immédiate d’un avocat, le contrôle inopiné est fortement encadré. Je vous propose ici une présentation de ce type de contrôle avec, comme à mon habitude, une attention particulière sur les erreurs fréquentes de l’administration.
Lorsqu’ils sont repérés, ces vices de procédure permettent en général une suppression totale des redressements.
Le contrôle inopiné : préalable courant à une vérification de comptabilité
Le contrôle inopiné est toujours le préalable à une vérification de comptabilité.
Vous le savez peut-être, la vérification de comptabilité « consiste à contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par un contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont le service prend alors connaissance et dont il peut remettre en cause l’exactitude » (CE, 5 février 2009, n°305917).
On retrouve dans cette définition les traits essentiels de la vérification de comptabilité :
- Elle se déroule sur place. Je développe davantage ce point dans mon article sur l’emport de documents par le vérificateur.
- Elle implique une analyse critique et comparative entre votre comptabilité et les pièces justificatives en votre possession.
Autrement dit, le contrôle inopiné est le préalable à une analyse approfondie de votre comptabilité, de vos systèmes d’information et de vos déclarations fiscales.
Pourquoi un contrôle inopiné ? Pourquoi vous ?
La logique général du contrôle inopiné
La vérification de comptabilité est assortie d’un certain nombre de droits.
Notamment,
- Vous avez droit à l’assistance d’un conseil,
- Vous avez droit de vous préparer au contrôle, dans l’intervalle qui court entre la réception d’un « avis de vérification », et le début des opérations de contrôle proprement dites.
Ces droits ne sont pas de nature à plaire à l’administration fiscale.
En effet, l’espace de temps précédant le contrôle sur place peut-être propice à certaines dissimulations : réécriture de la carte des prix, interventions diverses sur le système informatique, etc.
Par soucis d’éviter ce type de manœuvres, la loi fiscale permet à l’administration d’opérer des constatations matérielles à l’improviste, avant le commencement du travail d’analyse critique de vos déclarations.
Fondements juridiques du contrôle inopiné
Contrôle inopiné & constatations matérielles
Cette possibilité lui est ouverte par l’article L.47 du Livre des procédures fiscales, qui dispose en son 4ème alinéa :
« En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l’exploitation ou de l’existence et de l’état des documents comptables, l’avis de vérification de comptabilité et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont remis au contribuable au début des opérations de constatations matérielles. L’examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu’à l’issue d’un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ».
Chaque membre de phrase est important.
A ce stade retenons simplement que :
- Le contrôle inopiné doit se limiter à des constatations matérielles. A défaut, la procédure peut-être viciée.
- Ces constatations matérielles doivent être précédée notamment de la remise d’un avis de vérification.
- L’examen au fond de documents ne peut commencer qu’à l’issue d’un délai raisonnable.
Contrôle inopiné & contrôle des comptabilité informatisées
Comme je l’ai déjà écrit dans d’autres articles (voir notamment celui sur l’examen de comptabilité à distance), le contrôle fiscal s’informatise de plus en plus.
Il n’y aurait alors guère de sens à permettre à l’administration d’opérer des constatations matérielles sans lui laisser faire l’équivalent sur votre système informatique.
C’est pourquoi l’article L.47 A, III, du Livre des procédures fiscales dispose notamment :
« Dans le cadre du contrôle inopiné […], lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l’administration peuvent réaliser deux copies des fichiers relatifs aux informations, données et traitements informatiques ainsi que de la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements ».
Contrôle inopiné : pourquoi vous ?
Certains contrôle ne sont engagés que lorsque l’administration dispose déjà d’éléments de preuves lui permettant de penser qu’elle a affaire à un fraudeur avéré.
Tel n’est pas nécessairement le cas en cas de contrôle inopiné.
Bien sûr, le caractère impromptu de l’opération laisse entendre un certain degré de suspicion.
Mais cette suspicion n’est pas forcément plus forte qu’à l’ordinaire. En effet, comme l’écrivait le conseil des prélèvements obligatoires dans un de ces rapports :
« Si un contribuable a la possibilité de ne pas se conformer à ses obligations fiscales et s’il considère qu’il n’a qu’un risque minime d’être sanctionné, il y a de fortes chances qu’il prendra ce risque ».
Vous l’aurez compris, contrairement à ce que vous dira peut-être votre vérificateur, en matière de contrôle fiscal, la confiance est rarement au rendez-vous !
Pour être plus précis, au moins deux situations sont possibles lorsque vous faites l’objet d’un contrôle inopiné :
- Soit l’administration vous considère d’emblée comme un fraudeur parce qu’elle dispose déjà d’éléments en ce sens.
- Soit l’administration n’a à votre égard que la suspicion malheureusement habituel à l’égard de toute entreprise vérifiée.
Les vices de procédures propres au contrôle inopiné
Il existe deux manières de « faire tomber les redressements » à l’issue d’un contrôle :
- L’argumentation sur le fond,
- L’argumentation sur le terrain de la procédure.
Ces deux types de défenses sont souvent mener de front, et peuvent également servir d’argument au soutien d’une demande d’abandon des redressements, de remises gracieuses, ou de transaction.
L’argumentaire sur le fond n’est pas propre au contrôle inopiné. C’est pourquoi je ne m’y attarde pas ici.
En revanche, certains aspects de procédure concernent plus spécialement le contrôle inopiné.
Contrôle inopiné : le vice de procédure constitué par l’absence de remise des documents nécessaires
Il s’agit du vice de procédure le plus « bête » qui soit.
Je vise ici le cas où le vérificateur omet de vous remettre, au début du contrôle inopiné, un avis de vérification en bonne et due forme, ainsi que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.
La chose n’est pas si rare.
Pour un exemple jurisprudentiel, je vous renvoie à l’arrêt n°99-2116 rendu par la Cour administrative d’appel de Nancy le 13 mars 2003 (SARL Vanvet).
Dans cette affaire, un agent des impôts avait effectué des constatations sur place préalablement à l’engagement de la vérification de comptabilité proprement dites. Ces constatations n’ayant pas été précédées de la remise d’un avis de vérification de comptabilité, la procédure a été annulée. Les suppléments d’imposition ont donc été annulés également.
Vice de procédure lié au contrôle des comptabilités informatisées
Comme évoqué plus haut, l’article L.47 A, III, du Livre des procédures fiscales dispose notamment :
« Dans le cadre du contrôle inopiné […], lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l’administration peuvent réaliser deux copies des fichiers relatifs aux informations, données et traitements informatiques ainsi que de la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l’exécution des traitements ».
Or, ce texte n’autorise pas l’administration a réalisé des traitements sur les fichiers.
De tels traitements ne sont possible que dans le cadre d’une procédure fortement encadrée, prévue par l’article L.47 A, II du Livre des procédures fiscales.
Le fait que l’administration procède à des traitements sur les fichiers informatiques en dehors de ce cadre constituerait un vice de procédure.
Vice de procédure consistant à opérer plus que des constats matériels
Il s’agit du vice de procédure qui génère le plus de contentieux devant le juge de l’impôt.
Position du problème
On l’a vu, une vérification de comptabilité ne peut valablement commencer sans que vous ayez été en mesure de prendre le temps de consulter un conseil.
La loi ne tolère une intervention sur place que si celle-ci se limite à des constats matériels.
Si le vérificateur va au-delà de ces constats vous êtes alors nécessairement privé du droit de préparer votre défense à l’aide d’un conseil.
La privation d’un tel droit vicie la procédure et entraine la décharge des impositions en cause.
Toutes la question est alors de savoir quand s’arrête les constats matériels et quand commence la vérification de comptabilité.
Contrôle inopiné & réalisation de constats matériel : jurisprudence applicable
Je vous l’ai rappelé plus haut, la vérification de comptabilité « consiste à contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par un contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont le service prend alors connaissance et dont il peut remettre en cause l’exactitude » (CE, 5 février 2009, n°305917).
Ainsi, le fait de se limiter à relever le prix des articles vendus, à se faire communiquer les références de certains articles offerts à la vente, et à prendre acte de l’existence et de l’état de documents comptables constitue un contrôle matériel. Il n’y a donc alors pas commencement d’une vérification de comptabilité.
A l’inverse, les investigations ayant pour but de rechercher l’existence de fausses factures ont pu être considérées comme constituant le début d’une vérification de comptabilité (CE, 9 avril 1986, n°22691).
De même, les opérations suivantes, réalisées cumulativement lors d’un contrôle inopiné, ont pu être considérées comme irrégulières (CE, 16 novembre 1987, n°80581) :
- Inventaire de l’encaisse,
- Relevé des prix pratiqué,
- Contrôle du livre des rendez-vous et du livre des pourboire,
- Recherche des factures d’achat des produits en stock,
- Relevé du détail des fiches clients de la journée et rapprochement de ces fiches avec le montant des chèques émis par les clients concernés.
Une analyse au cas par cas est souvent nécessaire.
Contrôle inopiné : que faire sur le moment ?
Ne vous opposez, cela pourrait se retourner contre vous. Je vous renvoie à mon article sur l’opposition à contrôle fiscal.
Contactez immédiatement un avocat fiscaliste. Voici mon numéro de téléphone portable : 06 74 12 09 81. En utilisant cette procédure, l’administration va au bout de ce que lui permet la loi. Vous devez vous aussi faire valoir pleinement vos droits.
Observez attentivement et prenez note de toutes les constatations opérées par le vérificateur, ainsi que des documents dont il est fait copie.
Dans certaines circonstances, il peut être nécessaire d’adresser au vérificateur un compte rendu du contrôle immédiatement après son départ.
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